STARS ET VEDETTES
De la légende au « mythe »
Les tendances à l' identification et au mimétisme ont été invoquées pour justifier le succès persistant de certaines étoiles, qui seraient chargées d'un impact psychologique suffisant pour résister au changement de génération. La réalité est plus complexe ; ainsi le maintien de John Wayne en tête du box-office pendant trente ans (record seulement approché par le chanteur Bing Crosby) ne peut s'expliquer de la sorte, son public fidèle n'ayant pu être composé aussi longtemps d'aspirants cow-boys et des seuls supporters, quantitativement minoritaires aux États-Unis, de ses positions idéologiques réactionnaires.
Si le succès des stars féminines se rapporte toujours, en fin de compte, à des références « érotiques » (et d'identification sentimentale pour la période 1936-1950 environ, où le public était en majorité féminin dans tous les pays du monde), celui, plus discret, des stars masculines repose sur des mécanismes sans doute moins directs. Mais l'un comme l'autre s'expliquent par le besoin de passer du règne des images au royaume de la légende. L'absence de textes légendaires se fait sentir en un âge prosaïque : la saga des stars en tient lieu. Le film cruel et significatif, typique de l'évolution de Hollywood, que Robert Aldrich a intitulé : The Legend of Lylah Clare (1968) et qui est centré sur la « continuité » rêvée de cette saga le montrera.
Si toutes les variétés de légendes reparaissent dans l'histoire des stars et des vedettes, celles de l'Europe ne se sont que rarement évadées de la prose. Elles étaient et elles restent des « têtes d'affiche », plus prestigieuses que d'autres. Leur apparition dans les festivals déclenchait souvent la ruée des « fans » et des simples curieux, mais, généralement, aucun halo de fascination fabuleuse ne les entourait.
En outre, les mœurs des vedettes et de leurs admirateurs ont tellement changé qu'une analyse plus poussée relèvera bientôt de l'archéologie, même si un « retour de flamme » est toujours possible (l'actrice italienne Ornella Muti ne s'est-elle pas vu, après onze films, consacrer une rétrospective par un ciné-club de Trieste ?).
Les anciennes gloires de Hollywood seront des exemples plus purs. Garbo, devenue « mythe » de propos délibéré, et le restant pour des milliers de gens qui n'ont jamais vu l'un de ses films, en offre un cas limite. (Le cas parallèle de Chaplin, qui pour des millions d'hommes était devenu « Charlot », demeure plus ambigu, car il n'abdiqua pas.) Tout comme Marlène Dietrich, vedette devenue figure de légende sans avoir été star plus longtemps qu'une saison, et qui réussit à ne se faire jamais oublier. Quant à Brigitte Bardot, seule figure du cinéma européen de l'après-guerre à avoir engendré un « culte » mondial, elle ne fut jamais une star au sens traditionnel, ni simplement une « jeune vedette ». Incarnant un type féminin précis au moment d'une révolution de la « typologie » féminine, elle dut sa célébrité à sa rencontre avec un public déterminé, mais multiforme, où des cinéphiles avertis côtoyaient des masses populaires pas exclusivement masculines. Objet de désir mais aussi d'envie et d'injures, elle s'est trouvée clore un chapitre marginal, mais conforme au modèle, de l'histoire des « étoiles ». En révélant crûment l'essence érotique de la fascination exercée par les déesses de Celluloïd, et en l'assumant sans complexes dans ses déclarations, elle a peut-être porté le coup de grâce à leur « mythologie » potentielle. Quant au star system (ou à ce qui en survit, de manière discontinue), la tendance née à Hollywood, mais déjà répandue partout, qu'ont les acteurs à devenir leurs propres producteurs pour des raisons financières mais aussi artistiques, loin de lui rendre vie, le condamne, même si quelques films « à grand spectacle », tels les « films[...]
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Écrit par
- Gérard LEGRAND : écrivain, philosophe, critique d'art et de cinéma
Classification
Médias
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