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MUSÉES DE FRANCE STATUT DES

Un socle commun de règles

Le régime de propriété des collections « musée de France », s'il rapproche le statut des biens privés de celui des biens publics, ne se fond pas en un seul modèle. En particulier la référence à la domanialité publique reste constante pour les biens en main publique (propriété de l'État ou autre entité publique). Sans gommer leurs spécificités, la loi soumet les institutions ayant reçu le label à un socle de règles communes qui concernent la circulation matérielle et juridique des collections ainsi que leur conservation et leur restauration. Le mouvement général consiste à étendre au bénéfice des collections privées certaines des règles protectrices déjà applicables aux biens publics et à renforcer le régime des collections publiques.

La nouvelle loi donne aux collections des musées de France la qualification de trésors nationaux, ce qui les frappe d'une interdiction d'exportation à titre définitif. Ils pourront en revanche sortir temporairement, aux fins d'exposition, de restauration, de dépôt dans une autre collection publique, mais sous étroite surveillance. En réalité l'interdiction d'exportation joue déjà pour une partie des œuvres, par exemple lorsqu'elles sont classées monuments historiques ou relèvent des collections publiques. Cette disposition produira donc un effet utile pour les seuls biens privés non classés. La même remarque vaut pour la règle de l'imprescriptibilité généralisée à l'ensemble des biens des collections « labélisées », qui assure une protection efficace face aux risques de trafic illicite sur le plan national et international puisque la revendication d'un bien pourra se faire sans limite de temps. De la même façon, l'ensemble des musées de France se voit doté de prérogatives de puissance publique telles que le droit de préemption exercé lors des ventes publiques aux enchères. Le mécanisme leur permet ainsi d'intervenir par préférence sur le marché de l'art en se substituant, après le déroulement normal des enchères, à l'adjudicataire.

Sont aussi soumises à contrôle les opérations juridiques dont les collections peuvent faire l'objet, transactions diverses, prêts, dépôts, transferts de propriété. Toute acquisition ou vente requiert l'avis d'une commission spécialement instituée, qui veille à la cohérence et à la qualité des collections. Ce contrôle existait déjà pour les musées nationaux et, à un moindre degré, pour les musées classés et contrôlés. Il s'étend désormais aux collections privées, mesure dont on peut craindre qu'elle vienne alourdir exagérément la gestion des collections. Les mouvements d'entrée et de sortie des collections nécessitent parfois une décision rapide. Il faut être sûr que les commissions compétentes sur le plan national et régional aient cette capacité de réaction. Les décrets d'application rassurent quelque peu sur ce point en prévoyant plusieurs niveaux (plan national, régional, et interrégional), en enfermant la prise de décision dans des délais et surtout en prévoyant une procédure d'urgence (les commissions siègent alors en formation allégée). L'expérience dira si le système peut fonctionner sans fragiliser certaines chances d'acquisition.

L'attribution d'un label, donc l'exigence d'un niveau de qualité, légitime le droit de regard qu'entend exercer l'État. Mais l'équilibre doit cependant se réaliser entre les charges supportées par les institutions et les bénéfices qu'elles en retirent. Sinon, certains candidats à ce label prestigieux pourraient être découragés.

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S. (Cecoji)

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