MUSÉES DE FRANCE STATUT DES
Le statut des collections publiques, vers un régime renforcé
La question sensible du statut des œuvres des collections publiques a fait l'objet de vives discussions lors des travaux parlementaires. Plusieurs options ont été esquissées, plus ou moins respectueuses du principe, très ancré dans le droit français, d'inaliénabilité des collections, règle qui protège le propriétaire public y compris contre lui-même et assure la pérennité des collections.
Dans un état du projet, un régime particulier avait été envisagé pour les œuvres d'art contemporain des collections publiques, qui contrairement aux autres œuvres, devaient rejoindre le domaine public après un délai de latence de trente ans. Leur commerce restait libre dans cet intervalle. Mais cette disposition, très contestée, a disparu, car elle risquait de placer les musées dans une situation ambiguë. Ils ne sont pas des acteurs du marché de l'art comme le sont les vendeurs et les acheteurs ou les intermédiaires. La mission des musées est de conserver, non de spéculer. On pouvait surtout craindre que ne soient bradées des œuvres dont la valeur n'aurait pas encore été révélée.
Le parti adopté renforce au contraire le statut des collections publiques tout en introduisant une relative souplesse dans leur gestion. Le principe d'inaliénabilité des collections publiques, déjà applicable sous l'ancienne législation, demeure. La loi prévoit bien des possibilités de déclassement du domaine public pour les œuvres ne présentant plus ou pas d'intérêt (par exemple pour les doublons). Mais là encore le texte n'innove pas. La possibilité existe déjà dans le droit commun administratif des biens. Ce qui change est que la loi annonce explicitement cette faculté de disqualifier un bien, et c'est ce qui a pu inquiéter les conservateurs de musées. Le recours au déclassement doit en effet rester une procédure très exceptionnelle et non un mode banalisé de gestion des collections. Certaines garanties seront sans doute de nature à rassurer, par exemple le fait de confier la décision de déclassement à une instance unique : la Commission scientifique nationale des collections des musées de France. Un autre mécanisme permet de « racheter » les œuvres disqualifiées. Lorsqu'un bien déclassé est proposé à la vente, l'État dispose d'un droit de préférence et peut s'en porter acquéreur. À l'inverse, certains biens ne peuvent être déclassés. Il s'agit des biens qui ont intégré une collection par la voie d'un legs ou d'un don, ainsi que, pour les collections ne relevant pas de l'État, de ceux qui ont été acquis avec un financement de l'État. Dans le premier cas, le verrou que constitue l'interdiction de déclassement assure le respect de la volonté des donateurs. L'évocation de la faculté de déclassement risquait en effet de ruiner leur confiance. Il fallait donc une garantie explicite d'inaliénabilité dans la loi. Dans le second cas, la technique est plus douteuse. Pour la première fois, le statut d'un bien varie en fonction de son mode de financement. Il n'est pas sûr que cette circonstance doive placer hors série cette catégorie de biens, fussent-ils acquis avec des fonds publics. Est-on toujours dans cette hypothèse à l'abri d'une erreur ? d'une surévaluation ? Doit-on radicalement supprimer toute faculté de repentir, sachant qu'une fois entrés dans les collections publiques en vertu de ces procédés les biens ne peuvent en sortir ? Le dispositif laisse perplexe.
Dans un mouvement contraire, la règle de l'inaliénabilité s'assouplit à l'intérieur du réseau des musées de France publics. Le transfert à titre gratuit de tout ou partie des collections publiques est possible si l'acquéreur, nécessairement une personne publique, s'engage à maintenir l'affectation[...]
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Écrit par
- Marie CORNU : directeur de recherche au C.N.R.S. (Cecoji)
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