NIARCHOS STAVROS (1909-1996)
Né en 1909 dans la famille d'un petit minotier de la région de Sparte, Stavros Niarchos émigre aux États-Unis à l'âge de vingt ans. Après des études de droit à l'université d'Athènes, avec 25 000 livres sterling, il achète son premier bateau en 1935 et commence à bâtir son empire grâce au pavillon de complaisance panaméen. En 1940, il est à la tête de quatorze cargos loués aux Américains et se spécialise dans l'importation de blé argentin. Officier de marine pendant la Seconde Guerre mondiale, il escorte les convois alliés dans l'Atlantique. Pendant ce temps, six bateaux de sa propre flotte sont coulés. À la Libération, les compagnies d'assurances lui versent 2 millions de dollars. Attaché naval adjoint à Washington, il a alors l'idée d'acheter des liberty-ships, bateaux des surplus américains construits à la hâte pour remplacer les pertes alliées. Son ascension peut commencer.
La crise de Suez en 1956 et la guerre de Six Jours en 1967 sont pour lui l'occasion d'accroître sa flotte de superpétroliers qui jaugera jusqu'à 5 millions de tonnes. Mais l'homme investit aussi en Grèce. Il devient le propriétaire du plus grand chantier naval grec, employant jusqu'à dix mille ouvriers, et de la raffinerie d'Aspropyrgos. Avec l'arrivée au pouvoir des socialistes en Grèce en 1981, il se désengage du pays, vend sa raffinerie et son chantier naval, ne gardant que ses bureaux du Pirée et son île privée de Spetsopoula. Il se retire en Suisse, à Saint-Moritz, où il possède deux hôtels, passant son temps entre les bords du lac Léman et la baie de Monaco. En 1991, sa santé se détériore et il fait de nombreux séjours dans des cliniques suisses et autrichiennesLorsqu'il disparaît, à Zurich le 15 avril 1996, il laisse une fortune estimée à 4 milliards de dollars. Deux de ses cinq enfants, Philippe et Spyros, avaient repris les affaires familiales.
Sa vie sentimentale fut aussi agitée que sa vie professionnelle. Élégant, cultivé, raffiné, fréquentant les palaces, il s'est marié cinq fois. En 1957, il s'offre l'île de Spetsopoula au large du golfe d'Argolide, paradis pour milliardaires où il invite les célébrités mondaines et politiques à des fêtes somptueuses et à des parties de chasse.
Pour Niarchos, cependant, l'argent n'est rien sans la reconnaissance. Alors que son éternel rival, Aristote Onassis, lui ravit Tina, fille du grand armateur grec Stavros Livanos, Niarchos se « console » avec Evguenia, sœur de Tina, qu'il épouse en 1947 en troisièmes noces. Ils auront quatre enfants. En 1965, il la quitte pour Charlotte Ford, de trente ans sa cadette, fille du magnat américain de l'automobile Henry Ford, dont il aura une fille. Mais, en 1967, il revient à Evguenia. Cette dernière est retrouvée morte le 4 mai 1970 dans leur propriété de Spetsopoula après avoir absorbé des barbituriques, alors que, la veille, les époux s'étaient violemment querellés. Niarchos est certes blanchi par la justice grecque, mais les soupçons ne cesseront de planer sur lui. L'année suivante, il se marie en secret avec Tina, abandonnée entre-temps par Onassis. Tina perd son fils Alexandre en 1973 dans un accident d'avion puis se suicide à son tour aux barbituriques dans son hôtel particulier parisien en 1975.
Désormais seul, Niarchos se fait plus discret et se consacre de plus en plus à enrichir sa collection d'œuvres d'art qui n'a d'égale que celle de ses propres antiquités grecques. Il se passionne aussi pour les courses et rachète les haras de Marcel Boussac.
Au soir de sa vie, « l'homme aux mains d'or », Don Juan et requin, n'avait plus qu'une vingtaine de bateaux. Avec lui disparaît la génération des capitaines d'industrie qui ont fait la fortune de l'Akti Miaouli, la grande avenue piréote des armateurs grecs.[...]
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Écrit par
- Christophe CHICLET
: docteur en histoire du
xx e siècle de l'Institut d'études politiques, Paris, journaliste, membre du comité de rédaction de la revueConfluences Méditerranée
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