BLICHER STEEN STEENSEN (1782-1848)
L'écrivain Steen Steensen Blicher appartient de fait au romantisme danois. Mais, comme les exemples d'Oehlenschlaeger ou du Suédois Tegnér le prouvent, un certain type de romantisme échevelé (fondé sur l'imagination) ou éthéré (nourri par le sentiment) ne correspondait probablement pas au véritable tempérament scandinave, trop réaliste ou pragmatique. Et ce chasseur fanatique, très proche de la nature, en est un bon exemple. Sa vie n'eut rien d'exemplaire : pasteur raté, mari malheureux, il connut de telles difficultés matérielles qu'il sombra dans l'ivrognerie avant de mourir de tuberculose. Mais son génie méritait mieux et l'époque actuelle lui rend enfin justice. Après avoir dûment sacrifié aux impératifs de son temps, en imitant Ossian qu'il traduisit en danois et en composant, sur ce modèle, des poèmes qui font entrer le Jylland dans les lettres de son pays, il produit un chef-d'œuvre, le recueil de poèmes Les Oiseaux migrateurs (1838) où les évocations du « concert de la nature » se doublent d'une belle mélancolie : nous sommes tous oiseaux migrateurs, en quête d'ailleurs, et de passage. Puis il s'affirmera progressivement comme le plus grand maître danois de la nouvelle, genre qui ne cessera plus de passionner ses compatriotes. « Le Pasteur de Vejlby », peinture d'une humanité déracinée dans un décor de nature sauvage, « Maria », « L'Antre des brigands », qui exaltent la poésie profonde de la vie banale, « Les Trois Saintes Nuits » (le tout publié dans la revue qu'il fonde, Aurore boréale, 1827-1829) entendent aussi réveiller l'esprit du Nord et poser les assises d'un scandinavisme qui fera long feu. Rarement, les réalités populaires et naturelles du Danemark ont été dépeintes avec autant de bonheur. Blicher va même jusqu'à introniser les particularismes locaux et dialectaux, comme dans le recueil E bindstouw (1842) où il décrit affectueusement les « réunions de tricotage » dans son cher Jylland. Il reste l'un des écrivains importants de son pays, ne serait-ce que par son sens étonnamment moderniste de l'écriture.
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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