BANACH STEFAN (1892-1945)
La dualité topologique
Le nom de Banach restera lié aux espaces vectoriels normés complets, appelés par lui espaces du type (B) et universellement dénommés de nos jours « espaces de Banach » (terminologie introduite par M. Fréchet en 1928). La notion d'espace normé général apparaît pour la première fois dans les travaux de Hahn et de Banach vers 1920 et s'épanouit sous l'influence de Banach et de ses élèves ; le livre fondamental réunissant ces résultats, Théorie des opérations linéaires, paraît à Varsovie en 1932. Les deux types principaux de résultats sont relatifs à la dualité et à l'utilisation systématique de la théorie de la catégorie : on se limitera ici à de brèves indications historiques (cf. espaces vectoriels normés pour des énoncés précis). Sur les autres travaux de Banach, on dira quelques mots du problème de la « mesure universelle » et de l'apparent « paradoxe » auquel il conduit.
L' étude de la dualité dans les espaces Lp de fonctions de puissance p-ième intégrale occupe une place centrale dans les travaux de F. Riesz, mais il appartenait à H. Hahn et à Banach, indépendamment l'un de l'autre, de développer cette étude dans le cadre des espaces normés généraux. Munissant l'espace vectoriel E′ des formes linéaires continues sur un espace vectoriel normé E d'une structure d'espace normé (la norme « duale »), complet si E est complet, ces auteurs résolvent le problème essentiel du prolongement à tout l'espace, avec conservation de sa norme, d'une forme linéaire continue sur un sous-espace ( théorème de Hahn-Banach). Banach étudie aussi de manière détaillée les rapports entre une application linéaire et sa transposée, retrouvant, comme cas particulier, les résultats classiques sur les équations intégrales ; il dégage également le lien entre la compacité faible de la boule unité de l'isomorphisme entre un espace vectoriel E et son bidual E″ = (E′)′ (réflexivité).
Généralisant un résultat de Baire aux espaces métriques complets quelconques, Banach et Steinhaus montrent que, dans un tel espace, tout ensemble contenu dans une réunion dénombrable d'ensembles fermés sans point intérieur (un tel ensemble est dit maigre) a un complémentaire partout dense. L'utilisation de ce résultat dans les espaces de Banach permet d'établir de profonds théorèmes d'analyse fonctionnelle, dont les plus importants sont sans doute le théorème de Banach-Steinhaus et le théorème dit « du graphe fermé ».
Banach a également utilisé le théorème de Baire pour établir des théorèmes d'existence de fonctions continues possédant des singularités données à l'avance. La manière dont Banach démontre l'existence de fonctions continues non dérivables illustre de manière simple et significative la force de cette méthode : il établit, par un argument très élémentaire, que l'espace des fonctions continues sur [0,1] qui n'admettent de dérivée en aucun point est le complémentaire d'un ensemble maigre (dans l'espace C([0,1]) des fonctions continues sur [0,1] muni de la norme de la convergence uniforme) ; ces fonctions sont donc partout denses dans C([0,1]), et en particulier il en existe.
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Écrit par
- Jean-Luc VERLEY : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-VII
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...vers 1907-1908, Schmidt, Fréchet et Riesz généralisent le langage de la géométrie des espaces de dimension finie à l'espace de Hilbert et introduisent la norme dans ce cas particulier ; la notion d'espace vectoriel normé général apparaît alors vers 1920 dans les travaux de Hahn et deBanach. -
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