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BANACH STEFAN (1892-1945)

Le problème de la mesure « universelle »

En 1914, le mathématicien Hausdorff, un des fondateurs de la topologie générale, avait posé le problème suivant : est-il possible d'associer à tout ensemble borné A de l'espace numérique Rn à n dimensions un nombre positif ou nul m(A) tel que : a) m(A1 ∪ A2) = m(A1) + m(A2) si A1 et A2 sont sans point commun ; b) m(A) = m(B) si A et B se déduisent l'un de l'autre par une translation ou une rotation de l'espace.

On impose de plus, bien entendu, que m(A) ne soit pas nul pour tout A.

Hausdorff avait démontré par l'absurde l'impossibilité de ce problème pour n ≥ 3 ; on doit à Banach la construction d'une telle application A ↦ m(A) pour n = 1, 2. Ainsi apparaît, à propos de ce problème, une différence fondamentale et inexplicable intuitivement entre le plan (n = 2) et l'espace usuel (n = 3). Analysant de plus près l'impossibilité du problème de la mesure universelle pour n ≥ 3, Banach, dans un travail commun avec Tarski, démontre en 1923 l'étrange résultat suivant, qui est connu sous le nom de « paradoxe » de Banach-Tarski : étant donné deux ensembles bornés quelconques de Rn, n ≥ 3, contenant chacun au moins un point intérieur (par exemple deux boules de rayons différents), B et B′, on peut les décomposer chacun en un nombre fini et égal de parties disjointes A1, A2, ..., An et A′1, ′A2, ..., ′An de telle sorte que Ai et ′Ai se déduisent l'un de l'autre par un déplacement de l'espace ; on dit dans ce cas que B et B′ sont équivalents par décomposition finie. La différence fondamentale entre le plan et l'espace se traduit ainsi par des résultats du type suivant : deux polygones arbitraires (du plan) dont l'un est contenu dans l'autre ne sont jamais équivalents par décomposition finie, alors que deux polyèdres arbitraires le sont toujours !

Notons que, comme il fallait s'y attendre, la démonstration de ces résultats utilise l'axiome du choix. Historiquement, cet article de 1923 est une des premières applications importantes de cet axiome à l'analyse ; la démonstration du théorème de Hahn-Banach en 1927 est aussi un bel exemple de l'utilité de cet axiome en analyse fonctionnelle.

L'œuvre de Banach ne se limite pas aux sujets esquissés ci-dessus : il obtint de beaux résultats sur les fonctions à variation bornée, sur les séries orthogonales (étude des phénomènes de divergence de ces séries et des séries lacunaires) ; on lui doit aussi le théorème qui affirme que l'ensemble des points où la dérivée d'une fonction est infinie est de mesure nulle. Et pourtant, on ne peut pas juger des facultés créatrices de Banach en se limitant à ses travaux publiés : « C'était un talent mathématique de grande taille qui, entraîné par un besoin interne, travaillait sans cesse [...]. Il n'attachait pas beaucoup d'importance à la publication de ses résultats, toujours modifiant la direction de ses pensées et les problèmes qui l'intéressaient. »

— Jean-Luc VERLEY

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  • : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-VII

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