STEICHEN, UNE ÉPOPÉE PHOTOGRAPHIQUE (exposition)
Initialement ouvert à la photographie contemporaine, le site Concorde du Jeu de Paume a rendu hommage (9 octobre-30 décembre 2007), à travers quelque quatre cents épreuves originales, à l'une des figures les plus imposantes de l'histoire de la photographie.
Eduard Jean Steichen naît le 27 mars 1879 à Bivange, au Luxembourg, deux ans avant que de sa famille émigre pour les États-Unis. C'est à Milwaukee, dans le Wisconsin, où les Steichen s'installent en 1889, que le jeune Eduard montre quelques dispositions pour le dessin et la peinture. À l'âge de quinze ans, l'école terminée, l'adolescent apprend l'art et la technique de la lithographie à la Milwaukee's American Fine Art Company. Son intérêt pour la photographie se manifeste dès la première année de ses études, vers 1895. Grand lecteur des revues spécialisées, il connaît sa première reconnaissance à travers les commandes de ses camarades, prêts à payer leur portrait. Le cadrage excentré de l'autoportrait en pied de 1898 est représentatif d'une inventivité encouragée par une première exposition au Salon de Philadelphie, en 1899. La production de Steichen s'inscrit alors dans le mouvement pictorialiste qui prend ses distances avec la photographie et sa représentation précise, sèchement objective, en lui préférant le flou, le clair obscur, les ombres denses et les forts contrastes. Naturalisé en 1900, le nouveau citoyen américain, qui changera son prénom en Edward, fait un premier voyage vers les deux capitales d'Europe les plus en vue. À Paris, où il ouvre un studio, il réalise plusieurs portraits de Rodin qui le fascine et participe au Salon de 1902 en exposant ses toiles. On retrouve ses clichés en 1901 à l'exposition de Londres The New School of American Photography, et l'association de photographes pictorialistes Linked Ring l'accueille parmi ses membres.
De retour à New York, en 1902, Steichen rejoint Alfred Stieglitz, rencontré une première fois sur le chemin vers Paris et s'associe à la création du groupe pictorialiste Photo-Secession avec Gertrude Käsebier, Clarence H. White, Alvin Langdon Coburn. Steichen seconde Stieglitz dans la création de la revue Camera Work et dans l'ouverture des Little Galleries of the Photo-Secession, abritées dans son studio du no 291 sur la Cinquième Avenue de Manhattan. Ces activités ne détournent pas Steichen d'une production féconde inspirée par les paysages de parcs, le nu ou la ville de New York, dont il donne un aspect singulièrement poétique avant de repartir pour la France, en 1905. La statue de Balzac noyée dans le brouillard de Paris, les ifs taillés du parc de Sceaux, les natures mortes de fruits et les études de fleurs de sa résidence de Voulangis (Seine-et-Marne) maintiennent une manière pictorialiste que le photographe célèbre encore à travers la couleur, proposée en 1907 par la plaque autochrome Lumière.
Steichen regagne les États-Unis dès le début de la Grande Guerre pour être intégré en 1917 au service photographique de l'armée de l'air américaine basée en France. Il redécouvre par devoir ce qu'il avait contourné dans la photographie, sa précision et son pouvoir d'information. Cette rupture coïncide avec l'émergence de la nouvelle vision qui en Europe marque sa rupture avec le pictorialisme pour imposer un langage neuf, spécifiquement photographique et assumant ses progrès techniques. En 1923, le groupe de presse américain Condé Nast propose à Steichen d'occuper le poste de chef photographe qui donne un tour radicalement nouveau à sa carrière. Quittant Voulangis pour New York, il renonce à la peinture, allant jusqu'à détruire ses toiles. Les portraits de célébrités qu'il exécute en studio pour Vanity Fair dénotent une recherche appropriée à chaque personnalité, avec l'introduction de sobres[...]
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Écrit par
- Hervé LE GOFF : professeur d'histoire de la photographie, critique
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