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STÉNON, STENONIS NICOLAS ou STEENSEN NIELS (1638-1686)

Le fondateur de la géologie

Tête de requin, Nicolas Sténon (1667) - crédits : BIU Santé Médecine, Paris, cote : 05530

Tête de requin, Nicolas Sténon (1667)

À la fin de 1666, de grands requins s’échouent sur la côte toscane et Sténon en effectue la dissection. Il en fera une description dans son CanisCarchariaedissectumcaput publié en 1667. Dans cette étude anatomique de la tête de requin, il décrit les dents et les compare avec des fossiles appelés grandes glossopètres dont l’origine était très discutée. Dans la lignée de Fabio Colonna (1567-1640), il montre que ces glossopètres, « corps semblables à des parties d’animaux », sont des « objets vivants dans les eaux ». Il appuie cette affirmation sur une démonstration inductive très rigoureuse, observations et connaissances chimiques à l’appui, que les strata – terme qu’il est le premier à utiliser pour désigner les couches sédimentaires – peuvent être dues à des dépôts successifs de sédiments dans un océan, sédiments dans lesquels auraient été emprisonnées des coquilles d’êtres vivants et des dents de requin. Les sédiments seraient « des matières apportées d’ailleurs » – détritiques – ou « séparées peu à peu des particules mêmes du fluide » – précipitation chimique. Il étaie sa démonstration en opposant les « corps anguleux » – les cristaux –aux « corps semblables aux êtres vivants » – les fossiles – et explique la fossilisation par le départ de la matière animale et l’apport de suc minéral. Cette étude contient donc déjà en germe la plupart des points qu’il projette de détailler dans une « dissertation » sur la question de savoir comment un objet solide peut se trouver à l’intérieur d’un autre solide, comme un rocher. Mais pressé par le temps – il vient d’être convoqué par le roi du Danemark Frédéric III – il n’en fera qu’un condensé d’une extrême richesse, le célèbre De solido intra solidumnaturalitercontentodissertationisprodromus publié au début de l’année 1669. Il s’agit d’un synopsis très structuré de ce qu’aurait dû être sa « dissertation » jamais rédigée. Cette œuvre majeure peut être considérée comme posant les bases de la géologie moderne. Développant son étude des strates initiée dans le Canis, il pose les principes fondamentaux de la géologie : principe de superposition et principe de continuité. Il établit que la surface des sédiments est parallèle à la surface de l’horizon et, si tel n’est pas le cas, si les strates sont brisées ou inclinées, alors c’est qu’elles ont subi des transformations par écroulement ou soulèvement : il fonde ainsi la tectonique. Enfin, en observant la position actuelle des strates en Toscane, il établit les états successifs de celles-ci et reconstitue l’histoire géologique régionale.

Ainsi, à trente ans à peine, Sténon a réalisé l’essentiel de son œuvre scientifique. Sa vie scientifique, extrêmement féconde, est relativement brève.

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Écrit par

  • : agrégée de l'université, historienne des sciences, chercheuse associée au Centre François Viète, université de Nantes

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Tête de requin, Nicolas Sténon (1667) - crédits : BIU Santé Médecine, Paris, cote : 05530

Tête de requin, Nicolas Sténon (1667)

Nicolas Sténon - crédits : Zapf/ Ullstein Bild/ Getty Images

Nicolas Sténon

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