AUDRAN STÉPHANE (1932-2018)
Née Colette Dacheville le 8 novembre 1932 à Versailles, Stéphane Audran suit les cours d’art dramatique de Tania Balachova, Charles Dullin, Michel Vitold et René Simon. Elle épouse en 1954 Jean-Louis Trintignant, son condisciple du cours Simon, avec qui elle débute sur scène, en 1955, dans La Tragédie des Albigeois de Maurice Clavel et Jacques Panijel. Après deux autres pièces, sa carrière au théâtre prend fin. Elle n’y reviendra qu’une fois, en 1964, pour interpréter le rôle de Lady Macbeth dans l’unique mise en scène de Claude Chabrol.
En 1957, Stéphane Audran fait de modestes débuts au cinéma, dans Le Jeu de la nuit, un court-métrage de Daniel Costelle, Montparnasse 19 de Jacques Becker et La Bonne Tisane d’Hervé Bromberger. Grâce à Gérard Blain, elle rencontre Claude Chabrol qui lui confie un petit rôle dans Les Cousins (1959). Dès lors, sa vie privée et sa vie professionnelle vont être liées : divorcée de Jean-Louis Trintignant, elle entame une liaison avec le cinéaste qu’elle épouse en 1964. Elle ne joue que dans ses films pendant cette décennie, à l’exception du Signe du lion d’Éric Rohmer (1959, produit par Claude Chabrol), de Saint-Tropez blues de Marcel Moussy (1961) et desDurs à cuire de Jack Pinoteau (1964).
Silhouette mince et élancée, port altier, visage ovale bien dessiné, rehaussé de pommettes et d’un grain de beauté sur la joue droite, telle une mouche que posaient les élégantes au xviiie siècle, illuminé de magnifiques yeux bleus au regard intense, sa beauté éclate dans Les Biches (1968). Elle incarne Frédérique, riche bourgeoise, élégante et cynique, qui « s’achète » une pauvresse avec laquelle elle se livre à des jeux saphiques. Quant à son talent, il est enfin reconnu au point qu’elle obtient l’ours d’argent au festival de Berlin. Avec Claude Chabrol, elle tourne alors quatre autres films parmi les meilleurs du cinéaste, des drames psychologiques criminels dans lesquels son jeu, précis et nuancé, tout en retenue, confère à ses personnages complexité et mystère, auxquels contribuent une élocution détachée et un phrasé singulier qui créent une sorte de distance ironique (La Femme infidèle, 1969 ; Le Boucher, 1970 ; La Rupture, 1970 ; Juste avant la nuit, 1971).
À partir des années 1970, Stéphane Audran tourne sous la direction d’autres cinéastes, souvent pour tenir un rôle de bourgeoise, froide et sophistiquée, bien qu’elle ait démontré sa capacité à incarner des personnages autres : hôtelière peu amène (Le Signe du lion), petite vendeuse (Les Bonnes Femmes, de Claude Chabrol, 1960), danseuse « exotique » (Les Godelureaux, de Claude Chabrol, 1961), non sans humour parfois. Cependant, aucun d’eux ne parvient à exploiter véritablement ses aptitudes, à l’exception de Luis Buñuel, dans Le Charme discret de la bourgeoisie (1972), qui joue de cette image, voire de Claude Sautet dans Vincent, François, Paul et les autres… (1974), films dans lesquels l’actrice n’est que membre d’un groupe. Ce n’est qu’à la cinquantaine qu’elle a la possibilité de jouer des personnages différents, comme la mégère de Coup de torchon de Bertrand Tavernier (1981) et la cuisinière peu loquace du Festin de Babettede Gabriel Axel (BabettesGaestebud, 1987), voire laids, comme la belle-mère, outrageusement maquillée, du protagoniste de Paradis pour tous d’Alain Jessua (1982) et « la dame en gris » de Mortelle Randonnée de Claude Miller (1983).
Stéphane Audran, qui a cessé toute activité à la télévision et au cinéma en 2008, meurt le 27 mars 2018.
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Écrit par
- Alain GAREL : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma
Classification
Média
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