BRAUNSCHWEIG STÉPHANE (1964- )
Stéphane Braunschweig est né en 1964 à Paris. Après l'École normale supérieure et des études de philosophie, Stéphane Braunschweig entreprend sa formation théâtrale auprès d'Antoine Vitez, à l'École de Chaillot.
Avec sa jeune troupe du Théâtre-Machine, il met en scène Woyzeckde Büchner en 1988, spectacle remarqué au festival du Jeune Théâtre d'Alès. Il inclut la pièce trois ans plus tard aux côtés de Tambours dans la nuit de Brecht et Don Juan revient de guerre d'Ödon von Horvath, dans une « trilogie allemande imaginaire » qu'il baptise Les Hommes de neige. On y perçoit l'une des lignes de force de son travail : l'épuisement des formes. Le drame sentimental bourgeois et l'expressionnisme sont ici mis à distance, suggérés pour être mieux liquidés. La vision de chacune des pièces se nourrit de la proximité et des tensions qu'elle entretient avec les autres : Woyzeckest monté avec un souci brechtien de la rapidité, tandis que la pièce de Horvath apparaît comme le double enjoué de Tambours dans la nuit. Le rapprochement fonctionne comme un brillant exercice dramaturgique. Le Théâtre-Machine est alors accueilli à Gennevilliers. La reconnaissance institutionnelle ne tarde pas (Braunschweig est nommé à la direction du Centre dramatique national d'Orléans en 1993), et avec elle les premiers pas dans le domaine de l'opéra (création du Chevalier imaginaire de Philippe Fénelon en 1992 ; Fidelio en 1995 ; Jenufade Janáček en 1996).
Stéphane Braunschweig s'attache aux pièces marquées par une hétérogénéité esthétique, au sein desquelles s'opère un revirement dramaturgique. Tambours dans la nuit glissait du drame sentimental vers la pièce politique. Ajax de Sophocle (1991) passe de la tragédie du héros bafoué à une fable politique aux accents presque burlesques. Le Conte d'hiver de Shakespeare (1993) bifurque à son tour du tragique de la jalousie vers l'univers de la pastorale. Ajax montre ainsi un basculement du motif tragique et de ses codes vers la sphère du politique, guetté par sa propre parodie, la bureaucratie. Le héros tragique et son frère Teukros, chargé de perpétuer sa mémoire, sont interprétés par le même comédien (Gilbert Marcantognini). Afin de mieux faire résonner à nos oreilles la problématique du héros « déplacé », sans légitimité au sein du politique, Braunschweig fait prononcer à son acteur le monologue d'Ajax qui précède son suicide en costume de ville et à l'avant-scène, devant le rideau fermé.
Outre une recherche dramaturgique savante (à laquelle est associée l'universitaire Anne-Françoise Benhamou), le domaine privilégié de Braunschweig est la conception scénographique. Il conjure la nostalgie tchékhovienne en plaçant les acteurs de La Cerisaie (1992) dans une « machine à jouer » semée de trappes où chaque personnage est comme isolé, et qui renvoie l'œuvre à l'abstraction qu'y décelait Meyerhold. Avec le metteur en scène Giorgio Barberio Corsetti, il imagine pour le Conte d'hiver (1994) un plateau inclinable, peint à la manière des abstraits américains, qui figure le déséquilibre du monde, contraint la gestuelle des acteurs en les inscrivant dans l'urgence et le péril, et modifie l'angle de vue du spectateur. C'est avec le même Corsetti qu'il cosigne Docteur Faustusen 1993, montage de textes inspiré par le roman de Thomas Mann et soutenu par un dispositif vidéo sophistiqué, où le mythe de Faust est relu à la lumière d'une réflexion sur le réel et l'image virtuelle.
Puisant constamment dans la dramaturgie allemande (Amphitryon et Le Théâtre de marionnettes de Kleist, 1994 ; Franziska de Wedekind, 1996, Dans la jungle des villes de Brecht, 1998), Braunschweig se veut l'adepte d'une théâtralité forte, dont il interroge constamment les procédés,[...]
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Écrit par
- David LESCOT : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre
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