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GRAPPELLI STÉPHANE (1908-1997)

Le violon et le jazz n'ont pas souvent fait bon ménage. De brèves rencontres parfois quand l'un force sa voix et malmène son âme tandis que l'autre retient son souffle. Sur le Vieux Continent, une idylle naît pourtant au milieu des années 1930 avec l'apparition d'une formation qui ne rassemble que des cordes frottées ou pincées. Pendant cinq ans, Paris résonnera d'une musique qui marie miraculeusement la tendresse de nos romances avec un rythme venu d'Amérique. Cette quintessence de l'esprit français en jazz – est-ce vraiment un paradoxe ? – est l'œuvre de deux émigrés de fraîche date : Django Reinhardt et Stéphane Grappelli.

Stéphane Grappelli voit le jour à Paris le 26 janvier 1908. Son père, Ernesto, est venu d'Italie avec un profond amour de la musique. Il offre à son fils un violon, guide son premier apprentissage et obtient pour lui la nationalité française en 1919. Commence alors pour Stéphane Grappelli une vie de bohème. Il joue dans les cours d'immeubles et les orchestres des cinémas muets, exerce une foule de petits métiers, tâte un peu de tous les instruments (piano, trombone, saxophone, accordéon...) et se perfectionne au violon sans le secours des conservatoires. L'orchestre Grégor et ses Grégoriens l'engage de 1927 à 1933. Au piano et au violon, Stéphane Grappelli interprète Gershwin et s'abandonne à la folie du swing. Au Claridge, il rencontre le guitariste manouche Django Reinhardt et, après force « bœufs » et libations, fonde avec lui le quintette du Hot Club de France (1934). Cette formation, totalement inédite – autour d'une guitare et d'un violon solistes, deux guitares de soutien et une contrebasse – écrira quelques-unes des plus glorieuses pages de l'histoire du jazz. La guerre surprend Stéphane Grappelli pendant une tournée en Grande-Bretagne. Pendant ce séjour anglais (1939-1953), il fonde un duo avec le pianiste George Shearing et participe aux concerts de Fats Waller et de Duke Ellington. Le quintette du Hot Club de France se reconstitue brièvement (1946-1947), le temps d'une mémorable prestation à Londres le 31 janvier 1946 avec un somptueux Echoes of France qui joue avec le thème de la Marseillaise. Dès lors, Stéphane Grappelli mènera une longue carrière personnelle. Se succèdent donc d'innombrables tournées, jalonnées par des triomphes à Newport (1969), Montreux (1973) et même au Carnegie Hall de New York (1974). Il enregistre beaucoup avec de prestigieux partenaires – Bill Coleman, Coleman Hawkings, Barney Kessel, Clark Terry, Earl Hines, Martial Solal, Hank Jones, Larry Coryell, Niels-Henning Ørsted Pedersen, Oscar Peterson, McCoy Tyner – sans oublier ces violonistes dont il est l'ami ou le père spirituel : Eddie South, Stuff Smith, Joe Venuti, Michel Varlop, Jean-Luc Ponty, Didier Lockwood, Sven Asmussen et même... Yehudi Menuhin. Il écrit la musique de deux films – Les Valseuses (Bertrand Blier, 1974) et Milou en mai (Louis Malle, 1989) – et laisse un livre de souvenirs. Avec mon violon pour tout bagage (1992). Il fête ses quatre-vingts ans, avec une inépuisable jeunesse, par une cascade de tournées mondiales et disparaît à Paris le 1er décembre 1997.

Stéphane Grappelli n'a jamais su respecter les frontières. Il mêle sans scrupules inutiles la tradition classique revue par Ravel et Debussy, les chansons d'avant guerre, les standards du jazz, les effusions tsiganes et le swing américain dans une musique lumineuse et sensible. Son art est essentiellement celui de la paraphrase aérienne et souriante. Étourdissant et simple, espiègle ou tranquille, Stéphane Grappelli est la plus belle incarnation de l'élégance des sentiments.

— Pierre BRETON

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