LEACOCK STEPHEN BUTLER (1869-1944)
C'est en Angleterre, à Swanmore (Hampshire), qu'est né Stephen Butler Leacock. Sa famille émigre au Canada en 1876, et s'installe dans la région du lac Simcoe, en Ontario. Malgré les modestes ressources de la ferme familiale, Stephen reçoit une excellente éducation. À sa sortie de l'université de Toronto en 1891, il devient professeur au Upper Canada College de cette ville. Il abandonne cet enseignement en 1899, afin de poursuivre ses études à l'université de Chicago où il obtient un doctorat en 1903. De retour au Canada, il est bientôt appelé à diriger le département des sciences économiques et politiques à l'université McGill de Montréal, poste qu'il occupera jusqu'en 1936.
Leacock se signale par sa compétence comme politicologue et par l'excellence de son enseignement, ainsi que par la qualité de ses publications. Toutefois, ses écrits dans le domaine économique ne font pas pleinement autorité auprès de ses pairs. La vraie vocation de Leacock, celle d'humoriste, ne se manifeste qu'à l'âge mûr par la publication, en 1910, d'une série de parodies, de sketches et de satires. Ses trois premiers livres dans cette veine, Literary Lapses (1910, Lapsus littéraires), Nonsense Novels (1911, Récits absurdes), et Sunshine Sketches of a Little Town (1912, Croquis ensoleillés d'une petite ville), ce dernier le meilleur et le plus attachant, obtinrent un immense succès. Les deux premiers parodient les genres littéraires alors à la mode : description du grand monde, histoire romancée, récits d'aventures. Plusieurs de ces parodies, trop datées, ont quelque peu perdu de leur attrait. D'autres, au contraire, l'amère comédie du Boarding House Geometry par exemple, conservent toute leur saveur.
Sunshine Sketches of a Little Town, est sans doute l'œuvre maîtresse de Leacock, celle où il a manifesté le mieux son talent finement humoristique. L'ouvrage comprend une série d'études, comme on aimait en écrire au xixe siècle, étroitement liées les unes aux autres, à la manière de Tourgueniev ou de George Eliot ; cette suite de tableaux, représentant la vie d'une petite ville de province de la région du lac Simcoe où l'écrivain a passé son enfance, tire son efficacité de la force évocatrice de ses images à la fois vieillottes et ingénues, subtilement satiriques et mordantes. Mariposa, nom fictif de la petite ville décrite par Leacock, rappelle étrangement la ville réelle d'Orillia telle qu'on pouvait l'observer vers la fin du xixe siècle.
Il y a peu à dire des nombreuses publications de Leacock qui ont suivi ses premiers succès. Dans les pages les mieux venues, comme dans certains passages de Behind the Beyond (1913), Arcadian Adventures with the Idle Rich (1914), ou Moonbeams from the Larger Lunacy (1916), dont les titres à eux seuls dénotent l'intention satirique, il mérite de figurer dans l'histoire de la littérature humoristique en Amérique du Nord, mais seulement à titre de protagoniste mineur de la lignée twainienne. Les dernières publications de Leacock manifestent trop de facilité et n'atteignent pas à l'excellence de Sunshine Sketches. On retiendra cependant My Discovery of England (1922), qui rassemble les impressions de l'auteur de retour dans son pays natal, et une autobiographie, The Boy I Left Behind Me, que sa mort — à Toronto — l'empêcha de terminer.
La critique estime que l'œuvre considérable de Leacock n'a pas accompli les promesses des débuts. Sunshine Sketches mis à part, l'auteur n'arrive presque jamais à produire plus de quelques pages, d'une inspiration originale. Il ne parvient pas à insérer ses observations cocasses dans le tissu d'une narration structurée. Leacock reste un conteur de petites histoires drolatiques, non un observateur perspicace ni un créateur d'action dramatique.[...]
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Écrit par
- Guy GAUTHIER : écrivain et critique de cinéma, ancien chargé de cours à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot, docteur de troisième cycle, université de Paris-VII-Denis-Diderot
Classification
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CANADA - Arts et culture
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