Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

KING STEPHEN EDWIN (1947- )

L'écrivain et ses doubles

Ses récits sont écrits dans un langage d'une apparente banalité, renvoyant au parler quotidien. Stephen King recourt fréquemment à l'emploi de la première personne du singulier afin de renforcer l'identification du lecteur. La narration est d'une fluidité qui facilite encore l'immersion dans le récit, tout en procurant le plaisir d'une lecture seconde tout aussi passionnante, plus riche d'allusions littéraires.

Bien que ce traitement renouvelé de thèmes anciens constitue une part importante de son œuvre, Stephen King explore aussi des figures plus personnelles. S’il a connu un tel succès, c’est que nombre de ses lecteurs, surtout adolescents, ont été sensibles au regard différent, hostile et provocateur, que ses livres portaient sur le monde des adultes en général et des parents en particulier. King occupe une place à part dans la littérature d’horreur, aux côtés de Richard Matheson ou Clive Barker : il est l'un des premiers à avoir considéré la communauté des adolescents comme une humanité à part.

Stephen King sait brosser des portraits d'individus singuliers dont il connaît le langage et les mœurs. Mais la situation la plus horrible est celle qui voit l'individu emprisonné, tandis que les relations se dégradent, révélant la présence de l'horreur. C'est le cas de The Shining, où la famille de Jack Torrance, enfermée dans un hôtel vide, voit après déjà d'autres crises le père tenter de tuer sauvagement son fils. On retrouve un moment semblable dansCujo : une famille est dans l'impossibilité de sortir d’une voiture en panne, attaquée par un saint-bernard enragé.

Autre huis clos,Misery (1987) est une histoire de folie littéraire thématisée à dominante sadomasochiste. Le roman relate les relations perverses qui s’instaurent entre une lectrice, l'auteur d'un livre et le personnage qu’il a créé. L'auteur, victime d'un accident, est sauvé par une infirmière qui le soigne, puis le séquestre, le drogue et le punit, allant jusqu'à lui couper un pied, afin qu'il écrive la suite des aventures de son personnage préféré, qu'il avait décidé de supprimer. Rien de surnaturel ici, à l’exception de la démence qui saisit une lectrice acharnée, capable de tout pour obtenir ce qui serait l'équivalent de sa dose pour un drogué.

Stephen King réfléchit à la fois à son métier d'écrivain et à sa place dans la culture de son époque. Dans Anatomie de l’horreur (1981), il emploie des images simples pour distinguer l'horreur de la terreur. La première est du côté de la « monstration » : on saisit l'impact de la bête qui vous saute dessus, avec violence. La seconde est l'attente angoissée de quelque chose. Dans des préfaces comme celle de Danse macabre (1978), Stephen King s'interroge sur la sensation de peur et le rôle qu'elle joue, dans ses œuvres, mais aussi dans la littérature en général. Lors de rencontres entre écrivains, il défend un point de vue original sur la littérature. À la différence de ceux qui, comme Anne Rice, estiment que « ce qui se publie, c'est ce qui se vend », King, qui a obtenu à la fois la reconnaissance du public et celle de la critique, avance que l'essentiel est que le lecteur soit tenu en haleine jusqu'au bout. On peut s'interroger sur cette obsession qui le pousse à privilégier des sujets touchant à la mort, à la souffrance et aux aspects sombres qu'il présente de texte en texte. Il peut pourtant écrire de la fantasy légère, comme Les Yeux du dragon (1984). Mais, la plupart du temps, il sait que des histoires morbides naissent et lui imposent leur tempo et leurs images. Peut-être montre-t-il ainsi la part d’ombre d’une société qui a perdu son avenir.

— Roger BOZZETTO

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite de l'université d'Aix-Marseille-I

Classification

Média

Stephen King - crédits : Everett Collection/ Shutterstock.com

Stephen King

Autres références

  • ROMERO GEORGE ANDREWS (1940-2017)

    • Écrit par
    • 1 449 mots
    • 2 médias
    ...(1977), un adolescent éprouve le besoin de tuer pour boire le sang de ses victimes. Ce n'est pas un être surnaturel, mais un individu qui peine à s'intégrer. Romero travaille ensuite avec Stephen King sur le scénario de Creepshow (1982), une adaptation fidèle et humoristique de quelques bandes dessinées horrifiques...