GOULD STEPHEN JAY (1941-2002)
Spécialiste de paléontologie des invertébrés et théoricien de l'évolution du vivant, Stephen Jay Gould fut l'une des figures scientifiques les plus brillantes et les plus populaires de la seconde moitié du xxe siècle aux États-Unis. De 1974 à sa mort en 2002, il enseigne à Harvard la géologie, la paléontologie et l'histoire des sciences. Un quart de siècle durant, ses positions théoriques et ses analyses incisives, souvent provocatrices, ont dynamisé tout un champ de recherche et de réflexion. Il a également été un remarquable vulgarisateur, auteur de nombreux ouvrages qui ont ouvert au grand public l'accès d'une réflexion exigeante sur les grands thèmes de la biologie évolutive contemporaine.
Du néodarwinisme à la théorie des équilibres ponctués
Né à Brooklyn en 1941, Gould fut l'élève du grand paléontologue américain George Gaylord Simpson, un des pionniers du néodarwinisme qui avait introduit les concepts de la nouvelle synthèse en paléontologie et mené une réflexion approfondie sur « le rythme et les modalités » de la macro-évolution (Tempo and Modes of Evolution, New York, 1944), et sous la direction duquel il soutint en 1967, à l'université Columbia (New York), une thèse sur l'évolution des escargots des Bermudes.
L'aspect novateur de l'apport de Gould consiste d'abord en ce qu'il propose de réintroduire la notion de forme et d'organisme dans la pensée évolutionniste, engageant ainsi un renouveau de la réflexion sur la macro-évolution à un moment – la fin des années 1960 – où les tenants de la théorie synthétique de l'évolution se concentraient surtout sur l'élucidation des mécanismes évolutifs au niveau « microscopique », plus particulièrement au niveau du gène. Gould rédige en 1972, en collaboration avec Niles Eldredge, un article qui fait date et qui pose les bases de la théorie des « équilibres ponctués ». Ce texte ne propose rien moins qu'une révision des concepts du darwinisme et une approche renouvelée de l'évolution du vivant : selon cette conception « ponctualiste » le devenir des espèces à l'échelle géologique doit être pensé non comme un processus graduel et continu, couronné par l'apparition des formes les plus complexes ou les mieux adaptées, et aboutissant au triomphe nécessaire de l'espèce humaine, mais comme un devenir hasardeux, au rythme discontinu, fait de longues stases et de soudaines explosions évolutives. Darwin avait interprété les lacunes observées sur le terrain comme étant dues à la mauvaise conservation des « archives fossiles ». Dans la conception « ponctualiste », ces discontinuités sont plutôt propres à l'histoire même du vivant : elles peuvent se lire, sur le fond d'une histoire continue de la vie, comme une succession d'états durables et de courts moments de transition. Au modèle gradualiste de l'échelle, hérité du xixe siècle, il faut opposer celui du « buissonnement » évolutif.
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Écrit par
- Claudine COHEN : professeure d'université, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, Paris
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