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STÉRÉOTOMIE

Au sens premier du terme, la stéréotomie est l'art de découper différents volumes en vue de leur assemblage ; en architecture, elle désigne plus spécifiquement l'art de la coupe des pierres en vue de la construction des voûtes, trompes, coupoles ou volées d'escaliers... Si l'on parle encore de la « stéréotomie du bois » à propos de l'assemblage des bois de charpente, on constate que ce sens disparaît dans différents dictionnaires d'architecture, que ce soit celui de D'Aviler, qui fait autorité au xviiie siècle, ou du Vocabulaire de l'architecture publié par le ministère des Affaires culturelles en 1972. Ce glissement de sens n'est pas fortuit. Contrairement au charpentier qui réalise le squelette d'un volume, au chaudronnier qui en détermine la peau, le tailleur de pierre travaille directement la masse du matériau auquel n'importe quelle forme peut être donnée. Grâce à l'assemblage judicieux de pierres de petites dimensions taillées en forme de coin, les claveaux ou voussoirs, qui ne tiennent entre eux que par la pression que chacun exerce sur ses voisins, le tailleur réalise des éléments architecturaux de grande portée. Mais à la différence de l'appareillage des murs, la stéréotomie suppose la réalisation de surfaces non planes (ou de surfaces planes horizontales) et l'interpénétration fréquente de telles surfaces, ce qui pose à l'appareilleur de délicats problèmes pour déterminer chaque voussoir. Dans l'Antiquité, la stéréotomie évite d'ailleurs systématiquement ce type de pénétration et ne connaît que les arcs et les voûtes en berceau. Les premiers exemples de stéréotomie « savante » se trouvent sans doute dans la Syrie chrétienne du ive siècle où l'on trouve des coupoles appareillées sur trompes ou en pendentifs. La stéréotomie romane offre de remarquables exemples d'architecture clavée, dont le plus célèbre est l'escalier à vis de l'abbaye de Saint-Gilles du Gard. Premier exemple connu de ce type, il donnera son nom aux voûtes en berceau hélicoïdal, dont chaque voussoir est délimité par des surfaces gauches.

Traditionnellement, deux méthodes ont été employées pour résoudre les problèmes auxquels les appareilleurs étaient confrontés. La première, chronologiquement, est la taille dite « par équarrissement », que l'on peut considérer comme un procédé algorithmique pour tailler un voussoir à partir de ses seules projections horizontale et verticale. La seconde nécessite des tracés géométriques plus complexes, car elle suppose de prédéterminer la vraie grandeur de chacune des faces du voussoir à réaliser. Elle permet une taille dite « par panneau », effectuée à partir d'un patron, en bois ou en métal, de chaque face. Plus économique en pierre et en temps de travail, cette seconde méthode ne s'impose que lentement avec l'apparition des traités de stéréotomie.

Durant tout le Moyen Âge, le savoir-faire des tailleurs de pierre est gardé secret par la corporation, et ce n'est qu'en 1567 que le premier traité de coupe des pierres est publié par Philibert Delorme, théoricien de la stéréotomie et auteur d'une célèbre trompe au château d'Anet et d'un escalier en vis à jour aux Tuileries, deux chefs-d'œuvre aujourd'hui disparus. Légèrement postérieur à celui de Delorme, mais plus complet, le traité de l'Espagnol Alonso de Vandelvira ne sera publié que quatre siècles après sa rédaction mais n'en aura pas moins une grande influence sur la stéréotomie espagnole par l'intermédiaire de copies manuscrites. Pierre de touche de L'Architecture à la française (Paris, 1982), selon l'historien J.-M. Pérouse de Montclos, la stéréotomie connaît son âge d'or au xviie siècle, tant pour les réalisations que pour les[...]

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  • DELORME PHILIBERT (1514-1570)

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    ...raffinements, il sait utiliser son art pour faire d'un vieux bâtiment un logis moderne – le fameux cabinet sur trompe d'Anet répond à cette nécessité ; stéréotomiste exceptionnellement savant, il connaît assez la géométrie et la perspective pour expliciter par le dessin la complexité tridimensionnelle...