LACY STEVE (1934-2004)
Figure emblématique du free jazz, Steve Lacy n'a cependant jamais oublié ce qu'il devait au style New Orleans ni renié sa passion pour la musique de Thelonious Monk. Cet artiste atypique, ouvert à toutes les expériences poétiques, est devenu l'un des rares spécialistes du saxophone soprano : sa virtuosité ainsi que son contrôle des possibilités expressives de l'instrument n'ont pas été égalés.
Steven Norman Lackritz naît à New York le 23 juillet 1934. C'est par la photographie qu'adolescent il pénètre le monde du jazz, rencontrant à cette occasion le chef d'orchestre et multi-instrumentiste Cecil Scott, qui sera son premier professeur, ainsi que le cornettiste Rex Stewart, qui le renommera Lacy en 1952. Il prend des leçons de clarinette et de saxophone soprano, deux instruments avec lesquels il fait ses classes au sein d'orchestres d'inspiration résolument traditionnelle, dirigés par des personnalités comme Henry « Red » Allen, Pee Wee Russell, Jo Jones, Hot Lips Page, Zutty Singleton, Willie « The Lion » Smith. Il continue sa formation à la Schillinger House of Music de Boston (1953) puis à la Manhattan School of Music (1954), où il pratique la flûte et les saxophones baryton, alto et soprano avant d'opter définitivement pour ce dernier.
Il rencontre alors celui qui n'est pas encore devenu l'une des plus brillantes étoiles du free jazz, le pianiste et compositeur Cecil Taylor, avec qui il va travailler de 1955 à 1957, enregistrant notamment Jazz Advance (1956). La musique de Thelonious Monk, avec qui il jouera en 1960 puis en 1963, influence profondément son style et envahit le programme de ses concerts ainsi que sa discographie. Cela ne l'empêche pas de visiter l'univers bien différent de Gil Evans, avec qui il commence à se produire et à enregistrer en 1957. Il participe en 1963 et 1964, avec notamment Eric Dolphy, Paul Chambers et Elvin Jones, à l'enregistrement de l'album The Individualism of Gil Evans. D'une curiosité sans limite, Lacy pratique la musique de Duke Ellington et de Billy Strayhorn, interprète Kurt Weill, transpose Anton von Webern. Ses fréquentations musicales ne connaissent pas d'interdit et mêlent Mal Waldron, Elvin Jones, Sonny Rollins, Don Cherry, Ornette Coleman, Roswell Rudd, Archie Shepp, Clark Terry, Buell Neidlinger...
En 1965, Steve Lacy décide de s'installer en Europe qui, plus que les États-Unis, prête une oreille attentive à ses expériences les plus avancées. Il fréquente alors Don Cherry, Carla Bley et Paul Bley, Niels-Henning Ørsted Pedersen, Jean-François Jenny-Clark, enregistre avec Gary Burton, se produit avec Max Roach et Abbey Lincoln. À Rome, il joue avec le groupe d'avant-garde Musica Elettronica Viva. C'est Paris qu'il choisit comme port d'attache au début des années 1970. Il formera un quintette avec Michel Portal. Dans le bouillonnement artistique parfois désordonné de l'époque, il est de toutes les aventures esthétiques. Il met en musique des textes poétiques, improvise pendant des créations picturales, accompagne le pas des danseurs. Il anime un groupe qui rassemble Jean-Jacques Avenel, Steve Potts, Oliver Johnson, Bobby Few et Irène Aebi, chanteuse qui est devenue son épouse. Il signe plusieurs albums marquants, parmi lesquels Catch (1977, en duo avec Kent Carter), Blinks (1983), Chirps (en duo avec Evan Parker, 1985) et de nombreux albums en duo avec Mal Waldron : Snake-Out (1981), Let's Call This (1981), Hot House (1990), Communique (1994). À Berlin, il assiste en 1997 à la création de son opéra The Cry, écrit sur des textes de l'écrivain féministe bangladaise Taslima Nasreen. Les États-Unis le rappellent enfin en 2002 et lui confient le département de jazz du prestigieux New England Conservatory of Music de Boston. Steve Lacy meurt dans cette ville le 4 juin 2004.[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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- Écrit par Daniel SAUVAGET
- 740 mots
- 1 média
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