COHEN STEVEN (1962- )
L’ancrage dans l’art de la performance
Si les premières réalisations s’apparentent davantage à des happenings – spectacles courts et prenant la forme d’actions dansées –, les suivantes, au cours de la décennie 2000, entrent peu à peu, pour être aussi captées en vidéo, dans le champ plus conséquent de la performance, au croisement des arts visuels, du théâtre et de la danse. Ce concept permet l’exploration de formes d’expression dans lesquelles se sont distingués des artistes comme Jack Smith à New York, pour laisser libre cours aux imaginaires autres, notamment dans le champ de l’homosexualité. Il favorise aussi de novatrices remises en question des genres, aussi bien sur le plan esthétique que sur celui des normes sexuelles et sociales.
Souvent jugées pour leur esthétique provocatrice et baroque, les performances de Steven Cohen et Elu élargissent la perspective en inventant des figures hybrides qui puisent aux sources archaïques de l’iconographie occidentale. De fait, elles s’affrontent implicitement, et de façon radicale, aux tabous sociaux et politiques en Afrique du Sud. Elles jouent, a-t-on écrit, « avec les masques de l’oppression et du désir et rendent compte d’une Afrique du Sud inconnu après l’apartheid ».Parmi les œuvres les plus représentatives de cette offensive, on citera Crawling et Flying, deux créations conçues en 1998 – année où Steve Cohen reçoit le prestigieux Vita Art Prize en Afrique du Sud pour son projet Living Art –, puis BrokenBird et Chandelier en 2001.
En 2003, Steven Cohen est invité à rejoindre le Ballet Atlantique de Régine Chopinot à La Rochelle, auquel il restera associé jusqu’en 2008. Il crée alors à son arrivée, avec Elu, I Wouldn’tbeSeen Dead in That !,une pièce de cinquante-cinq minutes pour six danseurs qui sera présentée dans plusieurs lieux en France. En 2005, la performance Maid in South Africa, conçue avec la participation de sa vieille nurse Nomsa Dhlamini, âgée de quatre-vingt-quatre ans, lui permet, tout en revenant sur son histoire familiale et ses origines juives, d’explorer des territoires plus intimes, jusqu’ici refoulés par un apartheid encore latent.
Considéré à la fois pour son engagement militant et pour la radicalité explosive de ses créations, Steve Cohen rejoint en 2009 à Lille le laboratoire de production Latitude Prod, où il développe ses activités de plasticien et de chorégraphe. Parmi ses créations, on citera The Cradle of Humankind (Le Berceau de l’humanité), dont la première eut lieu, en mars 2011, au Quartz – scène nationale de Brest –, à l’occasion du festival Les Anticodes, avant d’être présentée la même année au Centre Pompidou à Paris, pour le festival d’Automne. S’inspirant du site préhistorique Swartkrans, connu en Afrique du Sud pour être l’un des berceaux de l’humanité, Steve Cohen proposait une performance en duo avec Nomsa Dhlamini, pour évoquer l’évolution de l’homme. Combinées au spectacle, des vidéos montrant des peintures rupestres, en écho à des réalisations contemporaines, révélaient son intention de s’opposer aux ruptures spécifiques introduites dans l’histoire de cette évolution par l’anthropologie. Sa vision d’un homme hybride constitué intimement, dans son corps, par toutes les strates de la mémoire de l’humanité depuis les origines, y était affirmée sans concession.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Lise OTT : professeure de lettres, critique d'art, membre de l'Association internationale des critiques d'art
Classification