STIERNHIELM JÖRAN OLAFSSON dit GEORG (1598-1672)
De son vrai nom Jöran Olafsson, Georg Stiernhielm fut avant tout un éminent juriste, auquel son long service en Livonie, alors possession suédoise, valut l'anoblissement et le nom qu'il a laissé à la postérité. Né près de Falun, il mena une existence chaotique qui le conduisit dans toute l'Europe du Nord et connut une succession d'heurs et de malheurs qui font de sa vie un étonnant roman. Cela ne l'empêcha jamais de déployer jusqu'à la fin de ses jours une intense activité scientifique et littéraire : il fut tour à tour philologue, philosophe, mathématicien, pionnier de la linguistique comparée et juriste. Mais il reste surtout le poète qui, à une époque où la majorité des intellectuels de son pays s'exprimaient en latin, voulu « composer et jouer en suédois ».
Son chef-d'œuvre, Hercules (1658), est une manière d'épopée, dans laquelle le jeune héros est dramatiquement confronté au choix entre prestiges de la vertu et séductions des biens de ce monde. Au lieu de traiter ce sujet, banal pour l'époque, en termes allégoriques et conventionnels, Stiernhielm trouve des images d'un réalisme tout à fait nouveau dans les lettres suédoises pour opposer les solides appétits de Dame Concupiscence (Fru Lusta), incarnation de toutes les joies de vivre, à l'austérité hantée par le spectre de la mort de Dame Vertu (Fru Dygd). L'occasion lui est belle aussi d'évoquer les souvenirs historiques de ce que les Suédois appellent l'« époque de la grandeur » (stormaktstiden) et de faire état d'un nationalisme flamboyant dont les romantiques se souviendront avec émotion. L'œuvre demeure ambiguë : le lecteur désireux de savoir pour quelle voie Hercule opte finalement restera sur sa faim. Elle vaut surtout par la magnificence de la langue. En hexamètres impeccables, Hercules atteste les possibilités du suédois à s'adapter à tous les styles, y compris le plus noble. En même temps, Stiernhielm revivifie le suédois en n'hésitant pas à en chasser tous les gallicismes que la mode y avait introduits en quantité depuis un siècle et à y réintroduire des tournures et des vocables anciens, germaniques, voire dialectaux. La littérature suédoise se trouvait ainsi dotée d'un monument d'une splendeur formelle rarement égalée depuis, et qui fait d'elle l'égale des grandes langues de culture européennes, ce pourquoi on a surnommé Stiernhielm le « père de l'art poétique suédois ». Musae Suethizantes (1668) reprend Hercules en y ajoutant toutes sortes de pièces de circonstance dont certaines témoignent d'un sentiment lyrique de la nature qui sera appelé à une belle postérité en Suède, tandis que le tempérament scandinave s'exprime dans telle Ode à la santé ou, sur le mode macabre, dans telle peinture des horreurs de la guerre. Stiernhielm ne dédaignait pas de composer en latin : on lui doit une longue satire politique rédigée dans une irrésistible langue macaronique, le Discursus astropoeticus.
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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SUÈDE
- Écrit par Régis BOYER , Michel CABOURET , Maurice CARREZ , Georges CHABOT , Encyclopædia Universalis , Jean-Claude MAITROT , Jean-Pierre MOUSSON-LESTANG , Lucien MUSSET , Claude NORDMANN et Jean PARENT
- 35 770 mots
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...et froid (1641) ne manque pas de charme, de Lars Johansson Lucidor (1638-1674), qui préfigure Bellman par ses chansons à boire, et surtout de Georg Stiernhielm (1598-1672), poète énergique au réalisme savoureux que l'on a à bon droit appelé le père de la poésie suédoise, en particulier à cause de son...