STOVARSOL
Synthétisé pour la première fois en 1921 par le chimiste et pharmacologue français Ernest Fourneau (1872-1949), le Stovarsol (nom commercial de l'acétarsol) est un dérivé de l’arsenic utilisé notamment, à partir de 1921, dans le traitement de la syphilis.
La toxicité de l’arsenic est connue depuis l’Antiquité. C’est un excellent poison, peu coûteux. Son usage, entre autres pour lutter contre des champignons parasites ou des mammifères nuisibles comme les rats s’est amplifié au xixe siècle, au point que le Britannique James C. Whorton, historien de la médecine, a pu nommer cette période le « siècle de l’arsenic » (The Arsenic Century: How VictorianBritainwasPoisoned at Home, Work,and Play, 2010). L’arsenic est en effet aussi la base de cosmétiques, de colorants et teintures et surtout de médicaments contre la syphilis et diverses maladies cutanées. Un des buts de la chimie thérapeutique dès le milieu du xixe siècle a donc été de chercher à synthétiser des molécules arséniées peu ou pas toxiques pour l’homme, tout en conservant les propriétés actives contre des agents infectieux.
Premier produit répondant à ces critères, le Stovarsol, préparation 189 F d’Ernest Fourneau, est une molécule organique contenant un atome d’arsenic pentavalent. Peu toxique, elle a été utilisée couramment à partir du début des années 1920 sous sa forme sodique (190 F) pour combattre la syphilis et, à un moindre degré, diverses maladies diarrhéiques et parasitaires. Le Stovarsol est le premier agent médicament anti-infectieux efficace tout en étant faiblement toxique pour l’homme, au contraire de son lointain parent, l’atoxyl d’Antoine Béchamp (1859). À partir de 1921, il remplace dans la pharmacopée avec des indications voisines le 606, plus connu sous le nom de Salvarsan, préparé par Paul Erhlich et Sahachiro Hata en 1908 et commercialisé en 1911. Le Stovarsol – comme le Salvarsan d’ailleurs – est à l’origine d’une série de dérivés arséniés actifs contre le tréponème agent de la syphilis et certains parasites (en particulier le trypanosome agent de la maladie du sommeil). Ces organo-arséniés aromatiques – toutes ces molécules contiennent au moins un noyau phényl et sont des dérivés de l’aniline – constituent la première grande famille d’antibiotiques réellement efficace en clinique humaine, avant l’apparition des sulfamides à la fin des années 1930.
Dans cet entre-deux-guerres, la lutte opposant le Stovarsol au Salvarsan – et plus généralement les laboratoires de chimie thérapeutique de France et d’Allemagne – se situe dans un contexte où l’industrie allemande dispose d’une avance considérable dans le domaine de la synthèse organique. Dans l’Hexagone, Ernest Fourneau, d’ailleurs formé en Allemagne auprès du chimiste Emil Fischer, puis associé dans un premier temps à Rhône-Poulenc, a créé en 1911 le laboratoire de chimie thérapeutique de l’Institut Pasteur, qu‘il dirigera jusqu’en 1944, et qui a véritablement lancé cette discipline en France. C’est là qu’a été synthétisé le 190 F, dont le nom commercial de Stovarsol est en lui-même un clin d’œil de l’inventeur : arsol renvoie bien entendu à « arsenic » et stove est le mot anglais pour « fourneau »…
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Média
Autres références
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ANTIBIOTIQUES - (repères chronologiques)
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1903 Découverte du Trypan Röd (premier antibiotique anti-parasitaire) par Paul Ehrlich (1854-1915).
1909 Découverte du Salvarsan (606), puissant anti-syphilitique par Paul Ehrlich.
1921 Synthèse du Stovarsol (anti-microbien peu toxique dérivé de l'arsenic) par Ernest Fourneau (1872-1949)....
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Pharmacologue français, né à Biarritz, Fourneau poursuit à Bayonne de brillantes études et entre à la faculté de pharmacie de Paris, dont il est diplômé en 1898 ; il passe trois ans en Allemagne, auprès des meilleurs chimistes germaniques, et, à son retour en France (1901), constatant le peu d'intérêt...
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