STRABON (63 av. J.-C. env.-env. 25)
Historien et géographe grec, né à Amaseia, ville d'Asie Mineure, ancienne capitale du royaume du Pont. On ne sait de sa vie et de sa famille que ce qu'il en dit épisodiquement dans son œuvre. Ses ancêtres paraissent avoir joué un grand rôle politique, mais la conquête romaine brisa la fortune de leur lignée. Le jeune Strabon reçut cependant une éducation libérale ; il suivit les cours de plusieurs philosophes dans diverses villes d'Asie. Il fit plusieurs séjours à Rome, dont le premier l'année même de la mort de César (~ 44). Les hautes relations qu'il y acquit lui facilitèrent l'entreprise de nombreux grands voyages, tels que la remontée du Nil jusqu'à l'île de Philae (Assouan), qu'il accomplit avec le gouverneur Aelius Gallus. Il passa sans doute ses dernières années dans sa ville natale et y mourut.
Strabon s'était senti d'abord une vocation d'historien et avait écrit quarante-sept livres de Commentaires historiques où il continuait l'œuvre de Polybe, traitant la période de ~ 146 à ~ 31 sans doute. Cet ouvrage est presque entièrement perdu. C'est en le rédigeant qu'il conçut la nécessité d'une description générale de la terre habitée, d'un point de vue non seulement scientifique, en raison des liens indissolubles entre l'histoire et la géographie, mais aussi politique, dans le dessein d'être utile aux « gens haut placés » dans leur tâche de gouvernement.
Dans cet esprit, les dix-sept livres de la Géographie de Strabon sont divisés en deux parties très inégales. Les deux premiers livres sont consacrés à la géographie générale, que l'on ne distinguait guère, de son temps, de la cosmographie. Les suivants comportent une description régionale du monde connu au début de l'ère chrétienne, centré sur la Méditerranée, et qu'il parcourt de l'Espagne à la Libye, en commençant par les pays riverains du Nord. Les deux parties ne sont guère liées l'une à l'autre, malgré les intentions affirmées de l'auteur.
La documentation réunie pour la seconde partie est hétérogène. Strabon a utilisé ses notes personnelles, recueilli les observations de témoins oculaires et surtout dépouillé ses devanciers, sans se borner d'ailleurs aux seuls géographes. À ses yeux, la description d'une région ne serait pas complète si elle se limitait à la nature. Elle doit aussi porter sur les caractères de sa population, sur son histoire et sur les traces qu'elle a laissées. Pour atteindre ces buts divers, les lectures de Strabon ont été extrêmement étendues et variées. Le résultat n'est pas toujours à la hauteur de ses desseins. L'ouvrage donne souvent l'impression d'une mosaïque de données, parfois contradictoires, dont l'auteur n'a pas su réaliser la synthèse, peut-être parce qu'il est mort avant d'avoir pu y mettre la dernière main. Un jugement d'ensemble portera toutefois à son crédit le trésor d'informations qu'il a rassemblées et qui se seraient perdues sans lui. Et il donne du monde que Rome venait d'unifier une image instructive et fidèle, réalisant, somme toute, son projet initial. Il est surprenant que ses contemporains semblent avoir ignoré l'œuvre du plus grand géographe de l'Antiquité, qui pourtant reflétait si bien la forme et les préoccupations de leur propre culture.
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Écrit par
- Jean DELORME : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse
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