STRASBOURG 1200-1230. LA RÉVOLUTION GOTHIQUE (exposition)
Dans les années 1250, la construction de la nef de la cathédrale de Strasbourg vient ajouter, en terre germanique, un splendide exemple de la création gothique qui s’est mise en place, à partir du domaine royal français, dans la seconde moitié du xiie siècle. L’utilisation simultanée et systématique de la voûte d’ogives, de l’arc brisé, et de l’arc-boutant, dans un ensemble cohérent qui en tire toutes les conséquences, en particulier au niveau de l’évidement du mur, permet le déploiement de vastes verrières à tous les niveaux. L’admirable logique du nouveau style se voit également dans la répartition hiérarchisée des moulurations des piles, au service d’une lisibilité et d’une rigueur parfaites, en résonance avec l’intelligibilité et l’articulation de la pensée scolastique, au moment où les universités se développent en lien avec la redécouverte d’Aristote.
Le maître du croisillon sud
La diffusion du style gothique se fait par créations successives, que l’on voit progresser de lieux en lieux dans toute l’Europe, avec des adaptations et des formes propres selon les régions et les milieux culturels et religieux. Cependant, dans le cas de Strasbourg, le mot de révolution n’est pas trop fort. Une nouvelle reconstruction de la cathédrale à partir des années 1180 commence par le chœur, la croisée et les croisillons du transept. Trois campagnes successives, qui concernent le chœur et le transept, s’inscrivent dans la continuation de l’esthétique de l’art roman tardif de l’Empire germanique, et sous l’influence de monuments comme les cathédrales de Worms, Spire, ou Bâle. Il est d’abord prévu une couverture du transept en charpente. Puis on réalise une coupole sur trompes à la croisée du transept, un cul-de-four dans le chœur, avant que des voûtes d’ogives ne soient utilisées dans le croisillon nord et dans certaines chapelles. L’ensemble est puissant, avec une affirmation de la masse murale et un décor, en particulier pour les chapiteaux, qui montre la réinterprétation de la tradition romane.
La quatrième campagne de travaux va être le fait d’un homme que l’on appelle le maître du croisillon sud. Venu sans doute de Chartres, il nous offre, en dirigeant un important atelier dans la troisième décennie du xiiie siècle, une création exceptionnelle. Elle concerne à la fois la mise en place d’un programme iconographique grandiose et inconnu jusque-là ; des solutions architecturales au service d’une intelligence parfaite des inventions gothiques les plus récentes ; et la réalisation de sculptures où l’humanité s’exprime de manière bouleversante. Le tout s’affirme dans une cohérence globale absolument parfaite.
Le musée de l’Œuvre Notre-Dame conserve une partie de ces sculptures, qui ont été remplacées, sur le monument, par des copies, pour qu’elles soient préservées du double effet des intempéries et de la pollution atmosphérique. À quelques dizaines de mètres de la cathédrale, Strasbourg 1200-1230. La révolution gothique (16 octobre 2015-14 février 2016) permet donc d’admirer un ensemble de chefs-d’œuvre qui figurent parmi les sommets de l’art médiéval ; de profiter des acquis des recherches récentes, entre autres pour la redécouverte de la délicate polychromie partielle des sculptures de grès ; de situer ces œuvres dans l’évolution de l’art, dans la vallée du Rhin, mais aussi en France même, depuis la fin du xiie siècle ; de mieux faire apparaître la nouveauté totale des créations du maître du croisillon sud, autour de 1220-1225 ; et d’offrir des comparaisons éclairantes avec l’enluminure, l’orfèvrerie, le vitrail, la sculpture sur bois.
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Écrit par
- Christian HECK : professeur émérite d’histoire de l’art à l’université de Lille
Classification
Média