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STRASBOURG 1200-1230. LA RÉVOLUTION GOTHIQUE (exposition)

Ancienne et Nouvelle Alliance

Les statues de l’Église et de la Synagogue en sont les sommets. Cette représentation met face à face l’allégorie féminine du Nouveau Testament, victorieuse, couronnée, tenant le calice et la croix avec l’oriflamme ; et celle de l’Ancienne Loi, la tête baissée, les yeux bandés, tenant une lance brisée. Ce thème est visible ailleurs. Mais, à Strasbourg, il bouleverse d’abord par les vêtements aux plis serrés moulant le corps, donnant une grande douceur aux silhouettes ; ensuite par l’intériorité exprimée par les visages. La Synagogue est elle aussi majestueuse. Et si elle représente l’erreur du monde qui n’a pas voulu reconnaître la Nouvelle Alliance, c’est un aveuglement en attente du dévoilement de la vérité qui est exprimé, dans une promesse de la réconciliation de la fin des temps.

Le visiteur peut ainsi s’adonner à la contemplation de ces œuvres avant de circuler dans le monument tout proche. C’est une véritable expérience que de vivre le passage du décor de la façade du croisillon, avec les admirables tympans, dont celui de la Mort de la Vierge, à la vision du jaillissement du Pilier des Anges, à l’intérieur, sous le rayonnement serein des vitraux des deux roses qui, à leur tour, mettent en relation symbolique l’Ancien et le Nouveau Testament. Dans ce fameux Pilier, douze grandes statues s’organisent sur trois niveaux, la torsion sereine des corps formant avec le plissé serré un effet ascensionnel qui culmine avec la figure miséricordieuse du Christ. C’est bien un Jugement Dernier, mais orienté vers la justice et le Salut, et non enraciné dans la terreur du châtiment.

La question d’une certaine artificialisation du patrimoine, dans des musées qui deviennent de grandes machines superbes mais coupées du contexte d’origine des œuvres, se pose de plus en plus. L’exposition de Strasbourg a montré au contraire un accord parfait entre la préservation, la connaissance, la redécouverte sensible et la compréhension de l’histoire d’un monument. La manière dont un maître génial, au début du xiiie siècle, a su y intégrer sans heurt un ensemble cohérent et d’une beauté absolue est rendue parfaitement lisible.

— Christian HECK

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Écrit par

  • : professeur émérite d’histoire de l’art à l’université de Lille

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Média

Reine de Saba, musée de l’Œuvre Notre-Dame, Strasbourg - crédits : Musée de l'Œuvre Notre Dame de Strasbourg/ Musées de Strasbourg

Reine de Saba, musée de l’Œuvre Notre-Dame, Strasbourg