STRATÉGIE ET TACTIQUE
La science économique
La possibilité d'une application des mathématiques non seulement aux jeux de société, mais aussi au commerce et à la guerre a été entrevue au début du xviiie siècle, et, en 1923, Borel insiste sur les ressemblances profondes entre jeux, stratégie et commerce. Néanmoins, c'est essentiellement avec la publication de Theory of Games and Economic Behavior, en 1944, que le terme de stratégie a fait son entrée dans la théorie économique. Depuis lors, avec, d'une part, la multiplication des travaux d'économétrie et, d'autre part, l'accent mis, depuis Keynes, sur le rôle de la science économique dans l'action et dans la politique économique, ce terme connaît un succès et une extension considérables qui sont sans doute le signe positif du progrès de la théorie économique, et la source de certaines illusions relatives à la rationalité de l'action économique.
La variabilité des moyens et des milieux, dans la stratégie militaire comme dans l'action économique, contraste avec la stabilité du cadre et des règles dans les jeux mathématiques. Cette différence est fondamentale, car elle permet de distinguer la notion mathématique de stratégie, qui ressortit d'abord à la statique, et la notion économique ou militaire, qui relève de la dynamique. De ce devenir historique, note Beaufre, « il résulte que le stratège ne peut s'appuyer sûrement sur aucun précédent ». Si « le rôle de la stratégie est [...] de fixer aux techniques et aux tactiques le but vers lequel elles doivent tendre dans leurs interventions et recherches », il devient évident que, tant en économie que dans les guerres, la virtuosité dans les techniques ou l'habilité dans la tactique ne peuvent garantir contre l'indigence ou l'erreur de la conception stratégique.
En fait, l'usage du mot stratégie en économie est ambigu : en économie mathématique, son sens est en gros celui que lui donnent mathématiciens et économètres ; s'agissant d'action économique, de planification, etc., le mot traduit plutôt l'extension du langage militaire aux activités pacifiques.
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Écrit par
- Bertrand SAINT-SERNIN : professeur à l'université de Paris-X-Nanterre
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