Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

STRUCTURALISME, mathématique

Concernant les mathématiques, deux « doctrines » assez différentes portent le nom de structuralisme. D'une part, le mot désigne une façon d'envisager l'organisation du champ des mathématiques autour des structures comme le sont les groupes, les ensembles ordonnés, les espaces topologiques, etc. Cette vision a été défendue en France par Nicolas Bourbaki, un collectif de mathématiciens œuvrant en particulier à la rédaction d'un traité général de mathématiques, les Éléments de mathématique (1958-1998), qui joua un rôle déterminant pour cette discipline au cours de la seconde moitié du xxe siècle, ce traité pouvant être considéré comme la mise en œuvre du point de vue méthodologique structuraliste.

La seconde utilisation du terme structuralisme – qu'il convient de distinguer de la première, même si elle s'appuie parfois sur l'existence du structuralisme méthodologique et des succès qu'il a obtenus dans son travail d'unification – est celle de philosophes, en réponse au problème de Paul Benacerraf sur la nature des nombres (leur existence ne peut pas être celle d'objets isolés, et doit se concevoir collectivement au sein d'une assemblée organisée) : ajustant le point de vue réaliste en mathématiques en l'éloignant de ses formes ontologiques naïves qui affirment « les nombres existent » ou « les ensembles existent », ces philosophes lui substituent une forme plus modérée et plus abstraite qu'on nomme réalisme structuraliste et qui défend que « les structures existent » (structuralisme de Steward Shapiro ou Mickael Resnik) ou seulement que « si les structures existent, alors... » (structuralisme modal de Geoffrey Hellman).

Structuralisme méthodologique de Bourbaki

L'idée que les mathématiques ne sont ni la science des nombres, ni celles des figures, ni celle des ensembles, mais celle des structures, provient de la pratique de l'axiomatisation (progressivement acceptée par tous les mathématiciens), et plus spécifiquement de l'école algébrique de Van den Waerden, mais c'est chez Bourbaki seulement qu'elle prend une forme précise, consciente et systématique, dont l'idée générale a été exprimée par Bourbaki lui-même en 1962 : « Pour définir une structure, on se donne une ou plusieurs relations où interviennent ses éléments [...] ; on postule ensuite que la ou les relations données satisfont à certaines conditions (qu'on énumère) et qui sont les axiomes de la structure envisagée. Faire la théorie d'une structure donnée, c'est déduire les conséquences logiques des axiomes de la structure, en s'interdisant toute autre hypothèse sur les éléments considérés (en particulier toute hypothèse sur leur „nature“ propre). »

Bourbaki place la notion de structure au cœur de sa conception générale des mathématiques, ce qui le conduit même à définir d'une manière formelle (c'est-à-dire entièrement spécifiée mathématiquement) ce qu'est une structure. La définition, assez indigeste – elle occupe plusieurs pages du chapitre IV du livre I des Éléments de mathématique –, a en fait été peu utilisée par Bourbaki lui-même et n'a pas eu de succès dans la communauté internationale où la théorie des catégories, plus souple que la théorie des structures de Bourbaki, a fait oublier rapidement cette tentative d'une définition technique et définitive de la notion de structure. Frédéric Patras fait remarquer que cette définition n'a pas trouvé « de fonction opératoire véritable [...] parce qu'elle est restée à l'état embryonnaire et ne semble jamais avoir été considérée comme un champ de recherche actif parmi les membres du groupe ». Pierre Cartier, ancien du groupe Bourbaki, confirme : « Bourbaki n'a pas produit une théorie mathématique[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • BOURBAKI NICOLAS (XXe s.)

    • Écrit par
    • 1 740 mots
    • 1 média
    ... prend comme point de départ pour sa construction la logique formelle et la théorie des ensembles dont le langage est familier à tout jeune lycéen. Il introduit la notion de structure qui est le cœur de sa rigoureuse construction axiomatique. Les structures sont classées par degré de complexité....
  • NICOLAS BOURBAKI (A. Aczel)

    • Écrit par
    • 894 mots

    Sous-titré « Histoire d'un génie des mathématiques qui n'a jamais existé », le livre (éd. J.-C. Lattès, Paris, 2009) qu'Amir Aczel – chercheur au Centre d'histoire des sciences de l'université de Boston (États-Unis) – consacre au groupe Bourbaki et à son influence sur les mathématiques du ...