STRUCTURE, chimie
L'idée de structure remonte aux philosophes grecs de l'Antiquité. Les polyèdres platoniciens faisaient se rejoindre la religion pythagoricienne du nombre et une prise en compte géométrique de la matière. Cette même notion a durablement imprégné la chimie. La description de la forme des molécules, et celle de leurs proches parents les complexes, usent de cette syntaxe depuis plusieurs siècles.
La façon la plus simple de définir la structure consiste à la considérer comme la disposition des atomes les uns par rapport aux autres, dans ces édifices que sont, d'une part, les réseaux indéfinis au sein des solides, d'autre part, leur assemblage en une molécule. Autrement dit, la structure équivaut à une architecture du microscopique.
Les étapes de la détermination de la structure d'un échantillon inédit récapitulent l'histoire des progrès de la science chimique : établissement de la composition élémentaire ; identification des radicaux, ou groupements d'atomes présents ; détermination de la connectivité, c'est-à-dire de la façon précise dont ces groupes sont reliés entre eux ; établissement de la position relative de tous les atomes constitutifs.
Depuis l'Antiquité, la structure de la matière et des produits des transformations chimiques s'est formulée en un langage géométrique, celui des polyèdres ou solides platoniciens. Il s'agit d'un petit nombre de formes simples, des solides réguliers dont les faces sont des polygones tels que triangles, carrés ou pentagones réguliers. À la Renaissance, Johannes Kepler les fit intervenir pour expliquer la symétrie sénaire, c'est-à-dire d'ordre six, des flocons de neige. Plus tard, à l'époque de la Révolution française, René-Just Haüy posa les principes fondateurs de la cristallographie en postulant que de tels polyèdres servent de modules constitutifs aux cristaux. Une génération plus tard, dans un mémoire des Annales de chimie d'une audace lucide (1814), André-Marie Ampère fit œuvre de pionnier en définissant la forme des molécules chimiques à partir des mêmes polyèdres, dérivés des solides platoniciens. Ces polyèdres, dont le retour à intervalles irréguliers ne cessa de fertiliser la science chimique, furent aussi invoqués par Alfred Werner comme les formes représentatives des complexes organométalliques, dont il définit les principes de construction et quelques-unes des principales classes au tournant du xxe siècle.
Autant dire que la structure, puisqu'elle était postulée se ramener à quelques formes géométriques simples, fut un principe unificateur de la chimie. Molécules discrètes et solides cristallins, complexes de coordination ou macromolécules biologiques, tous ces édifices obéissaient à des lois d'assemblage similaires. L'hypothèse unitariste était hardie. Était-elle davantage qu'une pétition de principe ?
Il fallait la confronter aux résultats effectifs des déterminations de structure des objets concrets. Jusque vers 1940-1950, la structure des molécules s'établissait via leur synthèse. Depuis lors, l'établissement de la structure d'une entité chimique se fait prioritairement par voie spectroscopique : on remonte de l'absorption sélective d'un rayonnement électromagnétique par la matière à l'organisation en atomes de cette dernière. Mis au point par Bunsen et Kirchhoff dans les années 1860, cet outil spectroscopique a suivi une évolution le menant du global (mesure d'un indice de réfraction, ou d'une absorption de la lumière dans le domaine du visible ou de l'ultraviolet), au local (mise en résonance des noyaux atomiques participant d'un groupe ou radical bien défini).
On peut décrire d'une autre manière encore l'emprise spectroscopique sur la détermination des structures des entités chimiques, par analogie avec cette appropriation[...]
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Écrit par
- Pierre LASZLO : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)
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