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STRUCTURE DISSIPATIVE

Le terme « structure dissipative » a été créé, en 1969, par Ilya Prigogine pour souligner la signification des résultats auxquels lui-même et ses collaborateurs de l'école de Bruxelles venaient de parvenir : loin de l'équilibre thermodynamique, c'est-à-dire dans des systèmes traversés par des flux de matière et d'énergie, peuvent se produire des processus de structuration et d'organisation spontanées au sein de ces systèmes, qui deviennent le siège de « structures dissipatives ». L'association entre les termes structure et dissipation, apparemment paradoxale puisque le mot structure évoque l'ordre alors que le mot dissipation évoque le gaspillage, le désordre, la dégradation, marquait le caractère inattendu de la découverte ; le second principe de la thermodynamique, qui a trait aux processus dissipatifs, producteurs d'entropie, était usuellement associé à la seule idée d'évolution irréversible d'un système vers l'état d'équilibre, identifié comme l'état de désordre maximal, où toute l'énergie utilisable du système s'est dégradée ; or, la découverte des structures dissipatives signifie que l'irréversibilité, loin de l'équilibre, peut jouer un rôle constructif et devenir source d'ordre.

La thermodynamique classique opposait ordre et désordre. L'état macroscopique ordonné était un état rare, réalisé par un petit nombre de configurations microscopiques au sein du système ; par exemple, un gaz dont toutes les molécules se déplaceraient dans la même direction. L'état désordonné, lui, est réalisé par l'immense majorité des configurations microscopiques ; c'est, par exemple, l'état où, en moyenne, autant de molécules se déplacent dans n'importe quelle direction. Les lois de la thermodynamique classique concernent ces états « désordonnés », leur nécessité n'est donc que statistique. Le système fluctue perpétuellement autour de valeurs moyennes déterminées par ces lois. Mais la nécessité n'en est pas moins absolue : le second principe de thermodynamique condamne à la régression et à la disparition toute fluctuation qui écarte le système de l'état d'équilibre. Le désordre est stable.

Or, loin de l'équilibre, le désordre n'est plus forcément stable. Les fluctuations, au lieu de régresser, peuvent s'amplifier et le système adopte alors un régime de fonctionnement nouveau, qui ne résulte plus de la compensation mutuelle des événements moléculaires, mais constitue un véritable ordre macroscopique surgi de la foule de ces événements. Ainsi, lorsque les « cellules de Bénard » se forment au sein d'une couche liquide dont la surface inférieure est chauffée, ce sont des milliards et des milliards de molécules qui, au lieu de poursuivre un mouvement désordonné, s'organisent en courants macroscopiques tourbillonnaires. Dans les systèmes, sièges de réactions chimiques, l'écart à l'équilibre ne suffit pas pour que des structures dissipatives apparaissent, il faut aussi un type de réaction bien particulier, des réactions « non linéaires » (autocatalyse, auto-inhibition, catalyse mutuelle, etc.). Mais d'autre part, lorsque des réactions de ce type sont présentes, les structures auxquelles peut mener l'amplification d'une fluctuation sont d'une très grande diversité et dépendent étroitement du détail des réactions dont le système est le siège. L'expérimentation et la simulation sur ordinateur ont permis d'étudier, dans des systèmes extrêmement simples, la création d'horloges chimiques (cycles limites), de structuration spatiale (zones de concentrations chimiques différentes) ou spatio-temporelle (ondes chimiques traversant périodiquement le système), ainsi que de frontières donnant au système structuré une dimension intrinsèque.[...]

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Écrit par

  • : chargée de cours associée à l'Université libre de Bruxelles, docteur en philosophie

Classification

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