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LA VICTORINE STUDIOS DE

Un nouvel âge d’or

Lorsque, après l’armistice du 22 juin 1940, la France est coupée en deux, de nombreux réfugiés affluent en zone libre et notamment à Nice. Dès novembre, les tournages reprennent à La Victorine, dirigée par le producteur André Paulvé. Ils se poursuivront quand Nice, après le 11 novembre 1942, sera occupée par l’Italie puis l’armée allemande : dix films sont réalisés en 1940, une quinzaine en 1942, en tout une trentaine (autant que la société allemande Continentalà Paris), dont La Vie de bohème (M. L’Herbier), Les Visiteurs du soir et Les Enfants duparadis (M. Carné).

Désormais seul studio sur la Côte d’Azur, La Victorine, à partir de 1945, souffre des aléas de l’industrie cinématographique nationale. Heureusement, les films d’Ingram et Carné ayant montré l’excellence des ateliers Décor, la construction d’immenses décors en extérieurs sur les terrains attenants devient une spécialité : Oxford et la Tamise (Alice au pays des merveilles, Marc Maurette, 1949), la Flandre au xvie siècle (Les Aventures de Till l’Espiègle, Gérard Philipe, 1956)… La Victorine construit aussi de nombreux types de bateaux : sous-marin (Les Maudits, René Clément, 1947), bateau à aube (Frou-Frou, A. Génina, 1955) et bien d’autres, évoluant dans la baie de Villefranche.

Une douzaine de films par an (parfois plus) dans les années 1950 permettent de maintenir une bonne fréquentation. Certains cinéastes sont des habitués : Christian-Jaque, Edmond T. Gréville et Willy Rozier y réalisent dix films chacun. Des films continuent de faire date : Lola Montès (M. Ophuls, 1955), Et Dieu créa la femme (R. Vadim, 1956), Bonjour tristesse (O. Preminger, 1958). En 1960 cependant, les terrains de La Victorine sont rachetés par la ville et François Truffaut fait avec La Nuit américaine (1973) une déclaration d’amour pleine de nostalgie aux studios. À la fin des années 1970, une forte baisse amorce un déclin qui semble inexorable.

Pourtant, depuis sa création, La Victorine n’en poursuit pas moins son rêve américain (des films capables de procurer du travail à deux ou trois cents personnes pendant six ou neuf mois), avec Capitaine sans peur (Raoul Walsh, 1950) et La Mainau collet (Alfred Hitchcock, 1955), les castings de stars et les décors fabuleux de Lady L (Peter Ustinov, 1965), Les Comédiens (Peter Glenville, 1967), La Folle de Chaillot (Bryan Forbes, 1968), Les Invitationsdangereuses (Herbert Ross, 1973). Puis le rythme diminue malgré trois Panthères roses (Blake Edwards, 1978, 1982, 1993). On y croit encore quand Michael Douglas investit les lieux sous les feux des médias (Le Diamant duNil, Lewis Teague 1985), mais l’espérance est de courte durée. Et quand Woody Allen tourne en 2013 Magic in the Moonlight, c’est sur la Côte d’Azur, mais pas à La Victorine. Certes Georges Lautner y a réalisé presque tous ses films (13, souvent avec Mireille Darc et Jean-Paul Belmondo), mais cela ne saurait suffire. La Victorine vit depuis trente ans de publicités haut de gamme, de télévision (la première émission de téléréalité, Loft Story, en 2001) et de séries (surtout américaines, comme Riviera), mais très peu de cinéma. En 2019, la mairie de Nice a repris la main à l’expiration du bail du groupe Euro Media France. Elle compte, par une vaste opération de communication patrimoniale, permettre aux studios de revenir à la réalisation de films. Le centenaire de la Victorine a été souligné par un certain nombre de manifestations, notamment une riche exposition (Nice, Cinémapolis, au musée Masséna à Nice, commissariat Jean-Jacques Aillagon) et un beau documentaire de long-métrage (Divine Victorine, de Julien Donada).

— René PRÉDAL

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

Classification

Média

<em>Mare Nostrum</em>, R.&nbsp;Ingram - crédits : Archive PL /Alamy/ hemis.fr

Mare Nostrum, R. Ingram

Autres références

  • GAUMONT

    • Écrit par
    • 1 138 mots
    ...alors la fusion de plusieurs firmes sous le nom de Gaumont-Franco-Film-Aubert qui adjoint aux installations de Gaumont les studios de Saint-Maurice et ceux de la Victorine à Nice. La GFFA abandonne ses dernières succursales étrangères et la fabrication de matériel, distribue (par exemple, L'Atalante...