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STYLE

Sous l'égide de la linguistique, le style devient aujourd'hui l'objet d'une science : la stylistique veut être la science des registres de la langue, et elle s'efforce de définir le style comme concept opératoire. Mais le mot style a, dans l'usage courant de la langue, un champ sémantique beaucoup plus vaste et des fonctions beaucoup plus nombreuses. On parle du style d'un meuble ou du style d'un athlète ; on dit aussi qu'un artiste atteint au style comme à une qualité suprême. Peut-on trouver au mot un noyau irréductible de sens ? Nous n'allons pas en recenser toutes les classes d'occurrence ; il est possible d'en discerner au moins deux significations et deux emplois. Tantôt ce mot désigne un système : le système des moyens et des règles (on dit aujourd'hui des codes), prescrits ou inventés, mis en jeu dans la production d'une œuvre. Tantôt il définit une propriété, et singulièrement une qualité : avoir du style est une vertu. Pour qui ? Pour l'œuvre ou pour l'auteur ? Selon qu'on impute le style à la première ou au second, on le définit par la cohérence ou par la maîtrise. Mais le clivage des emplois du mot s'opère ailleurs : si l'on met l'accent sur l'antériorité et l'autorité du système par rapport à la production, on définit le style comme collectif et on l'emploie pour un travail de classement, comme instrument de généralisation ; si au contraire on met l'accent sur la transgression du système, sur la novation et la singularité, on définit le style comme personnel, et on lui assigne une fonction individuante ; du même coup on le pense comme qualité autant que comme système, et on peut même l'opposer au système comme le suggère cette formule de Focillon : « Le style est un absolu. Un style est une variable » (Vie des formes). Ce sont ces deux emplois qui vont orienter notre examen.

Le style comme instrument de généralisation

Bien avant que se constitue une stylistique, le style se propose comme un concept opératoire pour un savoir dont la principale ambition est de recenser et de classer. C'est ainsi qu'au Moyen Âge on distingue, dans la littérature, trois styles : élevé, moyen et bas, qui permettent, par exemple dans l'œuvre de Virgile, de situer respectivement L'Énéide, les Géorgiques et les Bucoliques (cf. Auerbach, Mimésis). Pareillement définit-on, dans l'art du mobilier, le style Louis XV et le style Louis XVI. La fonction du concept est alors généralisante : il permet de définir et de classer différents objets sous une même rubrique. Cette rubrique peut désigner, pour certains objets ou certains arts préalablement déterminés, une période historique, comme lorsqu'on parle d'un style Louis XV. Ce principe de classement est à certains égards le plus simple. Rien de plus aisé que de couper l'histoire en tranches. Mais on voit aussitôt que cette procédure ne peut s'appliquer qu'après coup et, par conséquent, ne peut assumer une fonction prescriptive (sauf dans le cas où telle époque du passé est proposée comme modèle à imiter) ; et que le critère est exposé à toutes les vicissitudes de l'histoire : peut-on, par exemple, définir le style roman par des dates, alors qu'on a construit des églises romanes lorsque s'édifiaient déjà des monuments gothiques ?

Il faut donc, même si l'histoire fournit d'utiles points de repère, chercher un autre principe de classement, dans une certaine mesure transhistorique. Ce peut être le genre, qui s'offre naturellement à une pensée généralisante : le genre est, à l'intérieur d'un art lui-même situé dans une classification, le moyen d'en ordonner les productions. Ainsi distingue-t-on architecture religieuse, civile, militaire ; ou encore peinture d'histoire, paysage, [...]

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