STYLE 1200
La question du passage de l'art roman à l'art gothique s'est posée aux historiens depuis le deuxième quart du xixe siècle, en France en particulier, lorsqu'on a cherché à définir le style gothique et à déterminer ses origines. Pour l'architecture, il a été assez facile d'observer l'apparition et l'affirmation progressives des principales formes ou des principaux éléments gothiques dans des édifices dont l'esthétique générale appartenait au passé roman ; on a parlé, alors, du style « romano-gothique », ou du style « de transition », enfin de la « première architecture gothique », qui se développerait en France entre 1120 environ et la fin du xiie siècle. Dans d'autres pays, le style « de transition » pouvait se prolonger jusqu'au milieu du xiiie siècle (en Rhénanie, par exemple), ou même au-delà (Europe centrale). En Angleterre, la définition du Early Gothic était différente de celle du style « de transition » continental. On a aussi tenté d'accorder ces distinctions de style avec les phases de l'évolution des arts figuratifs, la sculpture monumentale tout particulièrement : le style « de transition », ou la « première sculpture gothique » correspondrait, en France, à la période de la « première architecture gothique ». Mais cette notion ne s'appliquait à la sculpture que dans une partie de la France, et n'était pas valable ailleurs (Vöge). Pour la peinture, la question de la « transition » était encore plus obscure, et l'on se contenta simplement d'opposer celle du xiie siècle à celle du xiiie (Haseloff). Depuis les années 1950, plusieurs historiens de la peinture, de l'orfèvrerie et de la sculpture élaborèrent peu à peu une doctrine qui résout certains des problèmes que pose le partage entre le roman et le gothique, en dégageant l'originalité de l'art autour de 1200 ; cette doctrine reçut une sorte de consécration en 1970, lors de l'expositionThe Year 1200 à New York.
Les théories sur l'origine du style 1200
En 1906, A. Haseloff, alors le meilleur spécialiste de la peinture médiévale, opposait catégoriquement la peinture gothique à l'art roman, en situant la brusque transformation du style vers 1200, dans la région parisienne. Le vitrail, qui a pris à la fin du xiie siècle une grande place dans la nouvelle architecture gothique, impose alors à la peinture sur parchemin une très grande vivacité de couleurs, un éclat nouveau, comme aussi la ferme « écriture » du dessin et des contours ; des compositions de vitraux – par médaillons superposés, par compartiments coupés – sont même transposées dans des miniatures (exemples donnés par Haseloff : Psautier dit de Blanche de Castille, Paris, bibl. de l'Arsenal, ms. 1186 ; Bible Moralisée du trésor de la cathédrale de Tolède). Sans chercher à nier la justesse de ces observations, il faut reconnaître qu'elles sont insuffisantes, car elles ne touchent pas à l'essentiel du style de la figuration. Après de nombreuses études partielles, c'est Otto Homburger qui, en 1958, présenta une nouvelle interprétation de cette période : entre 1190 et 1250, s'est établi dans certaines régions de l'Occident – Allemagne, pays de la Meuse, France septentrionale, Angleterre du Sud-Est – un style qui n'est ni roman ni gothique, refusant les stylistiques du xiie siècle, obéissant à des inspirations byzantines et antiques, dominé dans les compositions par un souci nouveau d'harmonie et dans la représentation par un certain « réalisme », par la recherche de l'individuel. La souplesse des draperies (Muldenfaltenstil) s'oppose à l'énergie des tracés et à l'expression nouvelle qui caractériseront l'art gothique évolué, celui du milieu du xiiie siècle. Les chefs-d'œuvre[...]
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Écrit par
- Louis GRODECKI : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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