STYLE (arts)
La notion de style appelle des définitions différentes selon les disciplines. En histoire de l'art, elle s'articule sur deux niveaux interdépendants : l'attributionnisme (traduction réductrice de connoisseurship) et l'histoire des formes. Sur le plan pratique, elle désigne la manière caractéristique d'une personnalité ou d'un groupe d'individus et constitue, de ce fait, l'instrument principal grâce auquel le connaisseur fonde ses attributions et ses datations, deux opérations indissociables l'une de l'autre. Sur le plan théorique, la notion correspond à l'esthétique d'une époque et détermine ainsi la périodisation proposée par l'historien qui, s'il dépend totalement du connaisseur (les deux fonctions sont néanmoins assumées généralement par la même personne), en conditionne à son tour les présupposés, en générant la dynamique propre à la discipline.
Style et attributionnisme
Style dérive du latin stilus, qui désigne d'abord le poinçon servant à écrire sur des tablettes de cire, puis l'acte d'écrire lui-même et ses différents genres. Passé en français au cours du xive siècle, il en vient à signifier la manière de s'exprimer, la rhétorique qui fait la singularité d'un poète et que partage, consciemment ou inconsciemment, l'artiste. C'est cette notion du style qu'adopte l'attributionnisme (la filologia pour les Italiens) ; elle consiste à mettre en évidence les composantes du langage d'un artiste. D'une part, elle permet de formuler des attributions, c'est-à-dire de reconnaître une personnalité artistique dont on relève les modes rhétoriques : son inventio, ou « potentiel créatif » ; sa dispositio, ou « conception scénographique » ; son elocutio, ou « qualité technique ». D'autre part, elle contribue à distinguer une œuvre originale, qui conjugue avec cohérence les trois modes, d'une copie, d'un pastiche ou d'une falsification, dans lesquels seuls un ou deux modes opèrent.
L'attributionnisme naît de la nécessité d'établir la valeur économique d'une œuvre d'art. Il se développe donc parallèlement au marché de l'art, à partir des xive et xve siècles, et connaît une nouvelle impulsion aux xvie et xviie siècles, avec l'établissement d'une économie spéculative qui assigne une nouvelle dimension à la pratique de l'attribution et au rôle du connaisseur, assumés conjointement par le marchand, le collectionneur et le praticien. À titre d'exemple, les Considerazionisullapittura du collectionneur italien Giulio Mancini (1617-1621, publiées en 1956 à Rome) fournissent plusieurs conseils susceptibles de guider l'amateur dans ses choix. Un siècle plus tard, Bernard de Mandeville, médecin hollandais établi à Londres, énonce, dans un essai intitulé A Searchinto Nature and Society (1728), quatre critères permettant d'évaluer une œuvre d'art : le nom de son auteur, la période concernée dans la carrière de l'artiste, sa rareté sur le marché, sa provenance. Entre-temps, la « manière » d'une personnalité est progressivement devenue un « style », notamment sous la plume de l'écrivain d'art français Roger de Piles, dans les Cours de peinture par principes (1708).
Le succès du terme de « style », qui insiste étymologiquement sur l'écriture, et donc sur la spontanéité de la main, amorce un nouveau chapitre, focalisé sur les arts graphiques et correspondant au xviiie siècle et aux premières décennies du siècle suivant. En témoignent l'amateur français Pierre Jean Mariette, qui multiplie ses expertises à partir de 1750, et son principal émule, le graveur autrichien Adam von Bartsch, dont le monumental Peintre-Graveur (1803-1821), publié à Vienne en français, rassemble le catalogue[...]
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Écrit par
- Frédéric ELSIG : docteur ès lettres, maître assistant en histoire de l'art médiéval à l'université de Genève (Suisse)
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