Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

STYLE (arts)

Style et histoire des formes

En dehors de son étymologie principale, le terme évoque également le grec stylos, que Vitruve emploie, au ier siècle avant J.-C., pour désigner la colonne et, par extension, chacun des trois ordres architecturaux (dorique, ionique et corinthien) permettant de reconnaître une époque déterminée. Au milieu du xviiie siècle, la théorie de l'architecture l'adopte et, sous l'influence du philosophe allemand Alexander Gottlieb Baumgarten, lui donne progressivement le sens général d'une esthétique propre à une période. C'est dans ce contexte que la notion rencontre celle utilisée par l'attributionnisme et fonde une discipline soucieuse de se doter d'une assise théorique : l'histoire de l'art.

À ses débuts, la discipline, dont l'acte de naissance est l'Histoire de l'art chez les anciens de l'Allemand Johann Joachim Winckelmann (1764, trad. française 1766), est essentiellement une histoire des formes, basée sur les résultats de l'attributionnisme et focalisée sur la question de la périodisation. Durant l'époque romantique, elle s'attache à définir les frontières géochronologiques des grands styles, dont on relève les enjeux nationalistes. Entre la fin du xixe siècle et le début du xxe, elle connaît un tournant décisif. Sous l'influence de la philosophie formaliste et des différentes théories de la perception visuelle, elle entre dans une phase de justification doctrinale qui passe par une réflexion sur la notion de style et dont témoignent des ouvrages tels que les Questions de style (1893, trad. franç., 1992) de l'historien de l'art autrichien Aloïs Riegl ou les Principes fondamentaux de l'histoire de l'art (1915, trad. franç., 1952) établis par l'historien suisse Heinrich Wölfflin, qui interprète toute l'histoire des formes en fonction d'un rythme binaire entre un style classique (Renaissance) et un style anti-classique (baroque).

Cette phase de justification doctrinale de la discipline entraîne deux conséquences sur la notion de style. D'une part, la périodisation s'affine considérablement, mettant en évidence des styles de transition, comme le maniérisme, qui vient s'intercaler entre la Renaissance et le baroque, ou subdivisant les grandes périodes en plusieurs phases (« gothique international », « style 1200 »). D'autre part, en devenant un objet de réflexion lié à l'idée de rupture, le style est utilisé à partir du dernier quart du xixe siècle par les artistes et la critique d'art, non seulement de manière consciente (cela est déjà le cas au moins depuis le xvie siècle), mais surtout comme une fin en soi, en acquérant une valeur programmatique énoncée par des manifestes. Il revêt alors deux aspects, qu'il convient de distinguer et dont l'histoire de l'art ne peut guère rendre compte de la même manière. Il désigne non plus seulement une catégorie ouverte, essentiellement forgée par l'historien de l'art et perpétuellement remise en question, mais aussi une catégorie fermée, qui, autodéterminée et conditionnée par le mythe du progrès, implique une succession toujours plus rapide de « mouvements », comme le « style 1900 » ou en architecture le « style international ». Le phénomène rejaillit naturellement sur la notion de la personnalité qui, comme c'est le cas pour Picasso, peut multiplier les styles successivement, voire simultanément, lorsqu'elle ne s'identifie pas à un mouvement tout entier, comme le cubisme.

Durant la seconde moitié du xxe siècle, l'ambivalence de la notion a fait parler de crise du style et des méthodes qui l'utilisent. L'attributionnisme et l'histoire des formes ont été remis en cause au sein même de la discipline, qui ne cesse alors de se diversifier à travers de nouvelles approches[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur ès lettres, maître assistant en histoire de l'art médiéval à l'université de Genève (Suisse)

Classification