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SU SHI[SOU CHE](1037-1101)

L'œuvre littéraire

Il s'agit bien ici de toute l'œuvre littéraire de Su Shi, et non pas seulement de son œuvre poétique, bien que celle-ci soit de beaucoup la plus célèbre. Ses écrits en prose sont en effet nombreux et quelques-uns sont restés fameux. Il écrit une langue qui a subi l'influence du retour à l'antique ( gu wen) de HanYu, où l'expression est empreinte de clarté et de force. On a de lui, dans le recueil de ses œuvres, plus de deux cents dissertations sur des sujets historiques : c'est probablement de son père qu'il tenait ce goût pour les discussions sur l'Antiquité, mais c'est aussi une mode du temps, instaurée par Han Yu et continuée par Ouyang Xiu. On possède également de Su Shi des notices ou mémoires sur les événements du temps, qui appartiennent à un genre moins artificiel, et surtout des lettres dont certaines, adressées à l'empereur, révèlent toute la noblesse de son caractère, malgré l'aveuglement dû à sa classe sociale, relatif au type de réformes qui auraient été nécessaires à l'amélioration de la classe paysanne.

Beaucoup moins nombreux, mais plus célèbres que les œuvres en prose déjà mentionnées, sont les fu, genre intermédiaire entre la prose et la poésie, que Su Shi a renouvelé complètement. Il en a en effet rapproché le style de celui de la prose, avec une fluidité de la phrase et un art de la cadence oratoire qu'on n'y trouvait pas auparavant. Mais en même temps il y a introduit beaucoup de saveur poétique, faite d'un sentiment très vif de la nature, de la vie des choses, de la présence de l'homme dans cet univers mystérieux qui le transcende.

L'œuvre poétique, abondante, fait de Shu Shi le plus grand poète des Song et l'un des plus importants de toute l'histoire chinoise. Une des premières qualités de sa poésie est sa richesse descriptive, qui souvent, par des procédés impressionnistes, par un symbolisme dont l'emploi apparaît très neuf, tend à créer une atmosphère qui a plus de signification descriptive que l'énumération des objets soumis au regard. Cela est vrai, qu'il s'agisse d'une description de petites choses telle « la fleur du saule » ou de paysages tel « le lac de l'Ouest », qu'il s'agisse de poèmes dans la forme de chansons (ci ) ou de poésies classiques (shi ). En voici un exemple, emprunté à l'Anthologie de la poésie chinoise classique de Paul Demiéville et intitulé : « Écrit sur la peinture d'une branche coupée » :

 Les bambous maigres ressemblent à des ermites ; La fleur discrète est comme une vierge, Le moineau sur la branche s'incline et se[redresse, S'ébroue et fait pleuvoir parmi les[fleurs...

La seconde qualité de la poésie de Su Shi, qu'a bien fait ressortir Yoshikawa Kōjirō, est la largeur de vue de sa pensée philosophique, c'est-à-dire de sa conception de l'homme, par rapport à l'étroitesse du thème de la tristesse personnelle dans la poésie antérieure. Pour lui, la vie de l'homme fait partie d'un cycle général de la nature et, de ce point de vue, toute cause de tristesse peut être vécue comme l'annonce d'une joie et réciproquement. Cette conception prend sa source dans la philosophie taoïste, mais c'est peut-être la première fois qu'elle apparaît exprimée en vers :

 ... S'il n'y avait pas de séparation dans la vie, Qui saurait accorder à l'amour tout son prix ?

Il ne s'agit pas d'un idéalisme facile qui cherche à prendre du bon côté tous les malheurs de la vie, ni d'un pessimisme pareil à celui de Du Fu qui s'indigne devant les misères sociales et ses malheurs personnels. Su Shi préfère adopter une attitude de détachement et d'optimisme tout à la fois, car, pour lui, la nature et l'univers ne sont[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VII, directeur de l'Institut des hautes études chinoises au Collège de France

Classification

Autres références

  • CI [TS'EU], genre littéraire chinois

    • Écrit par
    • 1 025 mots
    En marge de ce courant orthodoxe se situe Su Shi (1036-1101). Son apport consiste surtout à varier les thèmes, limités jusqu'alors aux chagrins d'amour, à la tristesse de la séparation ou au plaisir. À la délicatesse, voire à la mièvrerie, qui avait caractérisé les ci des Cinq Dynasties,...
  • MI FU [MI FOU] (1051-1107)

    • Écrit par
    • 2 135 mots
    ...larges taches se substitue aux contours et aux « rides », sert indifféremment à jeter la silhouette d'une montagne ou à suggérer un feuillage. Son ami Su Dongpo usait du même genre de raccourcis désinvoltes dans ses improvisations de bambous enlevés d'un seul coup de pinceau, au mépris des préceptes traditionnels....