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SUARÈS ISAAC dit ANDRÉ (1868-1948)

Auteur dramatique, poète, essayiste français, André Suarès a consacré toute sa vie à son œuvre, dans un rêve de grandeur que la postérité hésite à consacrer. En 1893, il fait à pied un long voyage en Italie, dont il tirera un livre, au titre ambitieux, Voyage du condottiere (3 vol., 1910-1932), qui contient de belles et subtiles descriptions, en particulier de Venise et de la Toscane. De retour à Paris, pauvre et solitaire, il se réfugie dans un esthétisme et un ascétisme qui vont le conduire à écrire des livres toujours plus tendus et sévères pour son siècle. Il s'élève contre la démocratie, contre le romantisme, contre le féminisme, contre la science, et il cherche dans l'art une sorte d'héroïsme où l'homme s'unifierait. Dans des essais sur Tolstoï et Wagner, dans ses réflexions de moraliste réunies dans Sur la vie (3 vol., 1909-1913), il montre comment la force et la paix ne sauraient être atteintes que dans la possession simultanée de soi-même et de la beauté. Son livre le plus lu, Trois Hommes : Pascal, Ibsen, Dostoïevski (1913), et ses poèmes, Le Bouclier du zodiaque (1907), font aussi de l'esthétisme une religion où s'abrite sa fierté. Dans de fréquents séjours en Bretagne, Suarès trouve auprès des marins la simplicité qui lui fait souvent défaut, tant dans son ambition intellectuelle que dans son style parfois emphatique. Historien (Napoléon, 1912 ; Vues sur Napoléon, 1933), musicologue (Musiciens, 1945), critique (Trois Grands Vivants. Cervantès, Tolstoï, Baudelaire, 1937), poète et surtout moraliste, il avait des perspectives dignes d'un génie universel, il ne manquait ni de pénétration comme penseur ni de bonheur d'expression comme écrivain (qu'on lise son évocation de la Grande Grèce et de Paestum, Temples grecs, maisons des dieux, 1937), même si parfois la passion polémique rendit sa voix trop acide ou mal assurée. Dans cette œuvre vaste et variée, il faut également retenir une importante correspondance : avec Romain Rolland, son ami depuis 1888 (publiée en 1954), avec Claudel (1951), Péguy (1961), Rouault (1960) et Gide (1963). Sans oublier un autre recueil, et non le moindre, qui comprend les lettres non envoyées (Ignorées du destinataire, 1955)

— Antoine COMPAGNON

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université Columbia, États-Unis

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