CHANDRASEKHAR SUBRAHMANYAN (1910-1995)
Vie et mort des étoiles
Observer la naissance ou la mort d'un astre n'est certainement pas une activité expérimentale banale ; cependant, la diversité des étoiles observées par les astronomes permet de tracer les grandes étapes de leur évolution. Si les réactions nucléaires dominent l'activité des étoiles jeunes, expliquant leur luminosité et leur capacité à transformer leurs combustibles nucléaires légers en éléments lourds, l'effondrement dû aux forces gravitationnelles est le phénomène marquant de leur vieillesse. C'est ainsi qu'apparaissent naines blanches, étoiles à neutrons ou trous noirs, extraordinaires objets où les conditions physiques qui y règnent sont si extrêmes que les interactions fondamentales « habituelles » agissent de façon que l'on pourrait qualifier de caricaturale.
Comprendre l'évolution d'une étoile nécessite donc de maîtriser la diversité des effets dynamiques tels que les transferts d'énergie par rayonnements, les instabilités hydrodynamiques ou hydromagnétiques, sans oublier les effets quantiques ou relativistes. Subramanyan Chandrasekhar fera progresser de façon décisive cette connaissance en alliant une culture scientifique étendue à une opiniâtreté et à une inventivité rares. Il aimait à dire que sa méthode, lorsqu'il avait choisi un sujet à son goût, consistait à ajouter des éléments de connaissance nouveaux au corpus existant jusqu'à ce qu'il puisse dégager un point de vue personnel, qu'il se faisait alors un devoir de présenter de façon cohérente et ab initio dans une monographie.
Une contribution majeure de Chandra – comme l'appelaient ses collègues – est d'avoir montré que le destin final d'un astre dépend de manière cruciale de sa masse. Si celle-ci est de l'ordre de la masse solaire, l'étoile se transforme lentement en une naine blanche de taille comparable à la Terre (et donc de densité environ un million de fois supérieure) ; les électrons y sont dans un état quantique particulier, dit dégénéré. Au contraire, lorsque la masse est supérieure à une valeur limite (appelée depuis lors masse – ou limite – de Chandrasekhar), égale à environ 1,44 fois celle du Soleil, l'effondrement qui suit la combustion nucléaire est plus brutal et conduit à une étoile à neutrons, dont le diamètre n'est que de quelques kilomètres et où protons et électrons initiaux ont fusionné en neutrons. Les objets encore plus massifs donnent, quant à eux, naissance aux étranges trous noirs ; Chandrasekhar exposera ses conceptions sur ces objets dans The Mathematical Theory of Black Holes (1983).
Le 8 décembre 1983, Subramanyan Chandrasekhar concluait le discours qu'il prononça à l'occasion de la remise de son prix Nobel en affirmant que l'étude de la théorie des trous noirs l'avait convaincu de la pertinence des anciens proverbes qui affirment que « la simplicité est le sceau de la vérité » et que « la vérité resplendit de beauté ». La plupart des scientifiques souscriraient sans doute à une telle déclaration tout en regrettant la difficulté à faire partager à un large public cet émerveillement devant le magnifique agencement de la nature.
On doit à Chandrasekhar une remarquable biographie d'Arthur Stanley Eddington – Eddington. The Most DistinguishedAstrophysicist of his Time (1984) – ainsi qu'un ouvrage de réflexions philosophiques, Truth and Beauty. Aesthetics and Motivations in Science (1987).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Classification
Média
Autres références
-
GRAVITATION ET ASTROPHYSIQUE
- Écrit par Brandon CARTER
- 8 922 mots
- 4 médias
...supérieures à la valeur caractéristique donnée en (20) (déduction confirmée ultérieurement par les travaux plus détaillés de M. Schwarzschild et d'autres), Subrahmanyan Chandrasekhar obtint en 1931 un résultat encore plus remarquable en montrant qu'à la fin de sa vie active (après épuisement de toutes les... -
TROUS NOIRS
- Écrit par Jean-Pierre LUMINET
- 12 848 mots
- 13 médias
...(1911-2008), qui en 1968 a donné le nom de « trous noirs » à ces astres (auparavant appelés astres invisibles ou occlus, étoiles gelées, cercles magiques…) ; le Prix Nobel de physique 1983 Subrahmanyan Chandrasekhar (1910-1995) et celui de 2020 Roger Penrose (né en 1931) ; l’Italien Remo Ruffini (né en 1942) ;... -
UNIVERS
- Écrit par Jean AUDOUZE et James LEQUEUX
- 6 652 mots
- 18 médias
...ou II. Les parties centrales des supernovae subsistent non pas sous forme de naines blanches mais d'étoiles à neutrons (ou pulsars). Comme l'a montré Subrahmanyan Chandrasekhar, lorsque la masse de l'étoile résiduelle dépasse une limite égale à 1,44 masse solaire, l'étoile devient une étoile à neutrons...