Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SUÉTONE (70 env.-env. 140)

Caius Suetonius Tranquillus est tenu pour l'un des principaux historiens de langue latine, alors qu'il fut en réalité un biographe, et ne toucha à l'histoire que dans la mesure où les personnages dont il trace les portraits et raconte la vie appartiennent à l'histoire générale. Il est d'une époque où l'érudition tend à l'emporter sur la création. Suétone est un érudit, un chasseur d'anecdotes rares. Il dut aux circonstances de sa vie d'avoir pu en recueillir de très précieuses, notamment sur les empereurs du ier siècle après J.-C., et les renseignements qu'il a ainsi transmis viennent combler en partie certaines lacunes (perte partielle des Annales de Tacite, et totale des autres historiens de cette période). De plus, ses Vies des empereurs satisfont le goût des modernes pour le pittoresque et le réalisme.

Un homme de bibliothèque

Le détail de la vie de Suétone est mal connu. Il naquit sans doute à Rome, vers 70 après J.-C., d'une famille de rang équestre. Son père avait exercé des fonctions officielles de cet ordre. Suétone, vers l'âge de trente ans, eut la tentation de suivre son exemple et demanda à devenir tribun militaire, condition indispensable pour poursuivre une carrière administrative normale de chevalier. Mais il renonça à sa charge presque aussitôt et s'adonna à des recherches désintéressées sur la rhétorique et l'histoire littéraire, menant à Rome une vie très retirée. Il était l'ami de Pline le Jeune, et c'est aux lettres de celui-ci que nous devons les quelques détails que nous possédons sur l'existence de Suétone. Celui-ci jouissait d'une modeste aisance, et on le voit, par exemple, disposé à acquérir une petite maison de campagne dans la banlieue romaine, pour y trouver repos et loisir. Il avait renoncé, de très bonne heure, à accepter de plaider des causes, comme il avait eu la tentation de le faire en sa jeunesse. Suétone était un scholasticus, un homme de bibliothèque. Pourtant nous le voyons exercer des charges importantes à la cour d'Adrien (après 117) : secrétaire particulier, intendant des bibliothèques, enfin chef de la correspondance impériale.

Outre ses recherches biographiques, portant sur les empereurs, les poètes, les rhéteurs, les grammairiens célèbres, Suétone s'intéressait aux sciences elles-mêmes, autrefois pratiquées par les personnages dont il s'occupait. Il s'adonnait à l'étude de la grammaire et, en général, du langage, c'est-à-dire, en pratique, du latin et du grec. De ces études sortirent d'abord (sans doute vers 105 ?) les livres De viris illustribus, consacrés à des biographies littéraires.

Ce groupe de livres (De poetis, De grammaticis, De rhetoribus, De oratoribus, De historicis – plusieurs de ces titres sont incertains, l'œuvre étant, dans son ensemble, perdue, et reconstituée seulement à partir des citations et des utilisations probables) valut à Suétone une certaine notoriété. À la mort de Pline, son ami et son protecteur, il devint le protégé de C. Septicius Clarus, qui fut choisi par Adrien, vers 119, comme préfet du prétoire. C'est Clarus qui fit appeler Suétone à la cour impériale. Adrien, lui-même lettré, aimait, semble-t-il, la compagnie de Suétone, et lui ouvrit les archives impériales, où se trouvaient des documents d'une valeur inestimable datant des premiers règnes. Mais la carrière de Suétone fut interrompue brusquement, en 121. Il fut disgracié « pour s'être montré trop familier » avec l'impératrice. Mais les trois ou quatre ans passés dans l'entourage de l'empereur, l'accès aux secrets d'État de l'ancien temps permirent à l'archiviste secrétaire de rassembler les matériaux des Vitae Caesarum, les Vies des douze Césars, qui comprennent les biographies de Jules César, Auguste,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

Classification

Autres références

  • PROSTITUTION DANS L'ANTIQUITÉ

    • Écrit par
    • 2 328 mots
    • 1 média
    ...qui installe des hommes et femmes prostitués à Capri, puis Caligula, son successeur à la tête de l’Empire, qui selon la version de l’historien Suétone crée un lupanar géant peuplé d’épouses et d’enfants des grandes familles offerts à la plèbe romaine, ne font qu’actualiser, selon la ...
  • ROME ET EMPIRE ROMAIN - Le Haut-Empire

    • Écrit par et
    • 35 262 mots
    • 17 médias
    ... se caractérise par un pessimisme hautain et aristocratique qui, d'une œuvre à l'autre, s'accrut encore. Simple chevalier, protégé des deux autres, Suétone a fait carrière dans la haute administration ; ses charges lui ont permis d'avoir accès aux archives du palais. On regrettera que ses ...