SUFFÈTES
Forme latine d'un terme carthaginois, proche sans doute du mot hébreu sophétim (juges), qui désigne deux magistrats chargés du pouvoir exécutif à Carthage et dans les villes colonisées par l'empire punique, comme Cadix par exemple. Aristote compare les suffètes aux rois de Sparte et Polybe aux consuls romains. Comme ces derniers, ils sont nommés pour un an, mais leurs pouvoirs peuvent être indéfiniment reconduits ; alors qu'il est d'usage à Rome de ne pas briguer le consulat plus de deux fois de suite. Les suffètes prennent part aux délibérations du sénat carthaginois et, en cas de conflit entre eux et celui-ci, l'affaire est portée devant le peuple qui tranche en votant. Choisis généralement parmi les familles nobles de Carthage, les suffètes commandent primitivement les armées, la flotte et les généraux. Les Barcides, et en particulier Hannibal, occupèrent les fonctions de suffètes pendant plus de vingt années consécutives. Pourtant, les suffètes, dès la première guerre punique, perdent une grande partie de leurs pouvoirs discrétionnaires. Leurs attributions deviennent essentiellement civiles. Ils sont dépossédés de la direction des affaires militaires, de la guerre et de la défense, même si, occasionnellement, ils peuvent être, comme le fut Hannibal, placés à la tête des armées. Plusieurs auteurs latins ont fait remarquer à quel point cette séparation des pouvoirs civils et militaires peut être considérée, dans l'Antiquité, comme une originalité de la constitution carthaginoise, voire comme une supériorité sur la constitution romaine. Cette séparation des pouvoirs interdit aux généraux de se lancer aisément dans l'aventure d'un coup d'État. Sage institution que celle des suffètes, beaucoup plus démocratique qu'on a pu le dire, et qui place en comparaison la République romaine dans le camp du conservatisme constitutionnel.
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Écrit par
- Joël SCHMIDT : diplômé d'études supérieures d'histoire, directeur de collections historiques
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