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SUFFRAGE UNIVERSEL

La querelle du mode de scrutin

Mais la principale inégalité tient aux effets mécaniques des différents modes de scrutin assurant la transformation des voix en sièges. En effet, outre la distinction entre le scrutin uninominal (un seul candidat étant à choisir) ou de liste (l'électeur vote pour plusieurs candidats à la fois), une querelle quasi théologique oppose les tenants du scrutin majoritaire à ceux de la représentation proportionnelle. Le scrutin majoritaire est généralement uninominal. Il peut être à un tour : le candidat qui a obtenu le plus de voix est alors élu, même s'il représente une minorité de votants, comme en Grande-Bretagne ; ou à deux tours : le candidat doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou la majorité relative au second, comme en France.

Apparue à la fin du xixe siècle, la représentation proportionnelle est devenue dominante aujourd'hui en Europe et a consacré l'essor des partis modernes et de la démocratie parlementaire. Elle est apparemment simple, puisqu'elle se résume dans son principe à répartir les sièges en proportion des voix obtenues. On calcule le quotient électoral (soit la division du nombre total de suffrages exprimés par le nombre de sièges à pourvoir) : autant de fois on le retrouve dans le chiffre des suffrages de chaque liste, autant de fois celle-ci aura d'élus. Mais il y a les restes... Leur répartition s'effectue uniquement à l'intérieur de la circonscription (le département par exemple). Deux méthodes sont principalement utilisées. L'une consiste à accorder les sièges restants aux listes qui ont le plus fort reste, ce qui favorise les petits partis. L'autre, dite à la plus forte moyenne, consiste, pour chacune des listes, à ajouter fictivement un siège à ceux qu'elle a déjà obtenus grâce au quotient, puis à diviser le nombre de voix de la liste par le nombre de sièges obtenus : la liste qui obtient la plus forte moyenne obtient le siège restant, l'opération étant renouvelée jusqu'à épuisement des sièges à pourvoir. Cette seconde méthode de calcul favorise les grands partis.

Tandis que le scrutin majoritaire à un tour amplifie considérablement le succès du parti vainqueur ou celle des partis alliés s'il est à deux tours, la représentation proportionnelle reproduit plus fidèlement la diversité politique du corps électoral, surtout avec une répartition au plus fort reste. Mais, pour peu que le nombre de sièges distribués dans chaque circonscription soit faible – dix partis peuvent-ils se partager deux sièges ? – ou que le seuil minimal pour que les listes soient admises au partage soit élevé, la représentation ne sera plus très proportionnelle.

Le débat se déplace alors sur les effets politiques de chacun des modes de scrutin. Si le scrutin majoritaire limite la fragmentation partisane en favorisant l'essor de majorités cohérentes, la représentation proportionnelle ne produit pas toujours un multipartisme anarchique et source d'instabilité, comme le soutiennent ses détracteurs. Plus sûrement, et contrairement au scrutin majoritaire, elle favorise un jeu politicien déroutant pour les citoyens : les alliances gouvernementales se nouent après les élections, et parfois à l'encontre des attentes des électeurs, comme on l'a vu en France sous la IVe République.

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Écrit par

  • : professeur de droit public, directeur du Centre d'études constitutionnelles et politiques de l'université de Paris-II

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