SUI LES (581-618) & TANG LES (618-907), dynasties chinoises
Les dynasties des Sui et des Tang forment un ensemble historiquement cohérent. La véritable césure de la période est la rébellion d'An Lushan au milieu du viiie siècle, qui précipite un certain nombre d'évolutions profondes dans la société, l'économie et les institutions. Le fondateur des Sui, Yang Jian (empereur Wendi, règne : 581-604), est issu d'une famille chinoise solidement liée à l'aristocratie sino-barbare du Nord-Ouest. Il s'empare du trône des Zhou septentrionaux après que ceux-ci ont réunifié la Chine du Nord, construit sa capitale Daxingcheng (Chang'an des Tang) à proximité des théâtres d'opérations contre les TurcsTujue, puis conquiert l'empire méridional des Chen (589). L'œuvre économique et institutionnelle de Wendi et de son fils Yangdi (règne : 604-618) est considérable. On leur doit la première version du Grand Canal, et ils jettent les bases du fonctionnariat recruté par examens qui finira par dominer le gouvernement des Tang et surtout des Song. Si la tradition donne de Yangdi une image d'« empereur de perdition », la dynastie tombe en fait sur des aventures militaires malheureuses (expéditions en Corée en 612, 613, 614) et par suite des efforts excessifs demandés à la population pour réaliser ses grands projets, cause de rébellions paysannes qui seront récupérées par des magnats locaux ou des aristocrates mécontents du régime. Li Yuan, un chef militaire de la région de Taoyuan (Shanxi), et son fils Li Shimin s'emparent de la capitale et fondent la dynastie des Tang.
Li Shimin monte sur le trône (empereur Taizong, 626-649) après avoir éliminé ses frères ; son règne est une période de prospérité et de création institutionnelle (centralisation et rationalisation du gouvernement, promulgation du Code pénal et administratif, etc.). Sous le règne de Taizong et de son neveu Gaozong (règne : 649-683), les Tang réduisent diverses fédérations tribales dans le Nord et l'Ouest (Turcs orientaux et occidentaux, Tuyuhun, Tangut) et établissent leur contrôle sur les routes d'Asie centrale ; ils établissent aussi (pour un temps) leur suzeraineté sur la Corée et sur une partie de la péninsule indochinoise. Après les troubles politiques accompagnant l'usurpation de Wu Zetian (690-705), la splendeur du long règne de Xuanzong (712-756) ne peut masquer la décadence du système fiscal et militaire sur lequel les Tang avaient édifié leur puissance. La défense des frontières est progressivement laissée à des gouverneurs militaires d'origine généralement non chinoise, qui contrôlent des armées professionnelles à leur dévotion. La rébellion (755) d'un de ces jiedushi, An Lushan, manque d'abattre la dynastie et met un terme à sa suzeraineté sur l'Asie centrale et sur les marches septentrionales de l'empire. De profonds changements institutionnels interviennent peu après, à commencer par la réforme de l'« impôt double », qui rationalise la fiscalité et tient compte du développement nouveau de la grande propriété. La dynastie doit sa survie au développement économique des pays de la Huai et du Yangzi, qu'a épargnés la guerre civile, mais la pression fiscale y suscite de nombreux soulèvements. Dezong (règne : 779-805) et surtout Xianzong (règne : 805-820) réduisent notablement le nombre des gouverneurs militaires indépendants, prompts à se révolter, et pendant une cinquantaine d'années les provinces non stratégiques resteront confiées à des fonctionnaires civils mieux contrôlés par le gouvernement. À la fin de la période, la cour est minée par les luttes de factions et les révolutions de palais. Les rébellions de Wang Xianzhi (874) et Huang Chao (875) font suite à une série de famines au Hebei et au Henan ; après avoir pris les deux capitales, les armées paysannes de Huang Chao ravagent le Sud[...]
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Écrit par
- Pierre-Étienne WILL : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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