SUICIDE ET CONDUITES SUICIDAIRES
Épidémiologie des conduites suicidaires
Des difficultés méthodologiques qui conduisent à une sous-estimation
L’évaluation de la prévalence des suicides, tentatives de suicide et idées suicidaires est complexe. Elle nécessite un système de collecte de l’information fiable tant sur les plans administratif et technique qu’idéologique, et même les pays riches et démocratiques font face à de multiples difficultés pour recenser ces informations. Par exemple, le décompte du nombre de suicides doit s’appuyer à la fois sur un système d’état civil performant et sur une identification de la cause de décès précise, ce qui n’est pas toujours possible. En France, cela repose sur les certificats médicaux, pas toujours bien renseignés, suivis en cas de mort suspecte par une procédure judiciaire dont le résultat n’est pas toujours transmis à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), qui gère la base de données nationale des causes de décès. Le nombre de tentatives de suicide est habituellement estimé à partir des passages à l’hôpital, mais le codage des motifs d’hospitalisation n’est pas toujours fiable (un médecin peut choisir de coder « dépression » plutôt que « geste auto-infligé »). Par ailleurs, de nombreuses personnes ne se rendent pas à l’hôpital après un geste suicidaire. L’estimation des pensées suicidaires est également délicate car elle varie largement selon leur définition (s’agit-il de toutes pensées suicidaires même vagues ou uniquement celles avec un plan ?). À ces difficultés s’ajoutent des problèmes de stigmatisation, voire dans certains pays de criminalisation, qui n’incitent pas les personnes ayant des idées suicidaires ou ayant réalisé un acte suicidaire à se faire connaître. Il faut donc considérer les chiffres comme des estimations nécessitant une correction plus ou moins importante selon le pays, la culture et la période abordée.
Le suicide dans le monde
L’OMS évalue à 800 000 le nombre de personnes décédées de suicide dans le monde chaque année, soit plus que le nombre de morts violentes par homicide, guerre ou terrorisme réunies. Cela représente un décès toutes les quarante secondes. Le suicide se retrouve dans tous les pays du monde sans exception et 80 % de ces actes ont lieu dans les pays à revenus faibles ou modérés (incluant donc la Chine et l’Inde). À de très rares exceptions près (où le sex-ratio est voisin de 1), le suicide affecte plus les hommes que les femmes, de l’ordre de deux à quatre hommes pour une femme. Dans la plupart des pays, le suicide est la seconde cause de mortalité chez les adolescents et adultes jeunes, après les accidents de la route (Mokdad et al., 2016). Il est très rare chez les enfants prépubères et son nombre croît à partir de l’adolescence. Les prévalences par tranche d’âge varient ensuite selon les pays et les époques. Les moyens suicidaires les plus fréquents dans le monde sont l’ingestion de pesticides, la pendaison et les armes à feu.
Le suicide et les conduites suicidaires en France
Suicides
En 2016, on dénombrait en France 9 300 décès par suicide (après correction de 10 % de sous-estimation), soit un taux standardisé de 14 pour 100 000 habitants. Ce taux baisse régulièrement depuis la fin des années 1980, sans que l’on puisse en expliquer la raison avec certitude (meilleure identification des personnes suicidaires, amélioration des soins…). Le suicide touche environ trois hommes pour une femme en France (taux respectifs de 22 et 6/100 000 hab.). En termes d’âge, trois perspectives sont à envisager :
– si l’on examine le nombre absolu de décès par suicide par tranche d’âge, on observe une courbe en cloche avec un maximum entre trente-cinq et soixante-cinq ans ;
– si l’on examine les taux (le nombre de suicides rapporté au nombre de personnes de la tranche d’âge), on observe[...]
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Écrit par
- Fabrice JOLLANT : professeur des Universités, psychiatre, Université de Paris (France) & McGill University, Montréal (Canada)
Classification
Médias