SUICIDE ET CONDUITES SUICIDAIRES
Facteurs de risque suicidaire : entre stress et vulnérabilité
De nombreux facteurs de risque ont été identifiés depuis les années 1970 que l’on peut classer en deux grands types suivant le modèle médical classique « stress-vulnérabilité » : ceux relevant d’un état aigu qui va précipiter le sujet dans la crise suicidaire (facteurs de stress) et ceux relevant d’une fragilité préexistante favorisant l’occurrence de cette crise (facteurs de vulnérabilité). La crise suicidaire aurait plus de risque de survenir en présence de facteurs de stress lorsqu’il existe par ailleurs des facteurs de vulnérabilité sous-jacents. Cette modélisation, pratique et utile, ne doit pas pour autant faire oublier la complexité et la variabilité des situations individuelles.
Facteurs de stress
Les facteurs de stress sont principalement les événements de vie douloureux proximaux (évoqués plus haut), les épisodes de décompensation aiguë de maladie mentale et l’intoxication par l’alcool ou les drogues.
La maladie mentale augmente considérablement le risque suicidaire (idées et actes). C’est le cas notamment de la dépression (dans le cadre d’un trouble dépressif ou bipolaire), de la schizophrénie, des troubles liés à l’usage de l’alcool et des substances illicites, de l’anorexie mentale et du trouble obsessionnel compulsif (Chesneyet al., 2014). Entre 5 et 10 % des personnes souffrant d’une maladie mentale sévère décèdent à la suite d’un suicide, ce qui est considérablement plus que le taux en population générale. La fréquence des tentatives de suicide est variable selon le trouble et sa sévérité, jusqu’à 50 % dans le cas des troubles de l’humeur sévères, par exemple. Plus il existe de troubles mentaux chez une même personne, plus le risque suicidaire est élevé. C’est particulièrement le cas quand un trouble mental, par exemple la dépression, est associé à un abus d’alcool ou de drogues ou à un trouble de personnalité (Arsenault-Lapierreet al., 2004).
L’intoxication aiguë à l’alcool et aux drogues augmente notablement le risque de passage à l’acte, notamment par overdose, lorsque le sujet a déjà des idées suicidaires ou une humeur dépressive.
Facteurs de vulnérabilité
Les facteurs de vulnérabilité sont les problèmes développementaux (maltraitances dans l’enfance, problèmes obstétricaux), certains traits (impulsifs, agressifs, pessimistes) et troubles de la personnalité (notamment borderline et antisociale), les affections cérébrales ayant des conséquences au long cours, des antécédents personnels ou familiaux de tentative de suicide ou de suicide…
Les maltraitances dans l’enfance sont un facteur de risque majeur d’acte suicidaire à l’adolescence et à l’âge adulte (Bruffaertset al., 2010). Ces événements précoces compromettent le développement biologique, psychologique et social du sujet, le rendant plus sensible aux événements de vie stressants ultérieurs, plus en difficulté dans les relations interpersonnelles et dans son contrôle émotionnel et comportemental. Certaines études suggèrent que les maltraitances dans l’enfance altèrent de manière prolongée l’expression de certains gènes impliqués dans la régulation du stress via des mécanismes épigénétiques (Tureckiet al., 2012) – sorte de « cicatrice » neurobiologique de ces événements passés.
En termes développementaux, des problèmes obstétricaux chez la mère à la naissance du sujet (Orriet al., 2019) sont également des facteurs de risque suicidaire, via des mécanismes complexes et multiples (fragilité familiale, développement biopsychosocial difficile, contexte socio-économique).
Les personnes présentant une personnalité borderline ou antisociale, notamment une agressivité et une mauvaise régulation émotionnelle, ont des relations interpersonnelles plus chaotiques, souvent marquées par la violence, un sentiment d’abandon[...]
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Écrit par
- Fabrice JOLLANT : professeur des Universités, psychiatre, Université de Paris (France) & McGill University, Montréal (Canada)
Classification
Médias