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SUJET, politique

Dans l'histoire politique de l'Europe occidentale, le temps des sujets coïncide à peu près avec celui de la monarchie absolue ; il marque une double étape : dans les rapports du peuple avec le souverain d'une part, dans la lutte pour le pouvoir entre le souverain et l'aristocratie d'autre part, et représente une conception horizontale de la société en opposition avec la conception pyramidale de la féodalité. De cette longue lutte, coupée de trêves et de révoltes, naît une monarchie forte, centralisée, qui tient sous sa dépendance directe les trois ordres du royaume, confondus sous un vocable commun, celui de sujets. Il rapproche dans une obéissance commune le prince du sang du plus humble brassier. Le temps des sujets amorce un tournant vers une société égalitaire, mais qui, par refus ou incapacité d'abolir les coutumes et privilèges de l'ordre féodal, n'apparaîtra qu'après la tempête révolutionnaire. Entre le début des guerres de Religion et la prise de pouvoir de Louis XIV, la monarchie et l'aristocratie se livrent une lutte sans merci dont l'enjeu est la domination des sujets. La monarchie en sort fortifiée, constituée en État (c'est au xviie s. que le mot prend son sens actuel de gouvernement) ; la noblesse, elle, est définitivement affaiblie, soumise au souverain, et c'est la couche supérieure du tiers état qui va disputer le plus âprement au roi ses pouvoirs. Bossuet donne une excellente définition du sujet au temps de l'absolutisme : « Tous les hommes naissent sujets et l'empire paternel qui les accoutume à obéir les accoutume en même temps à n'avoir qu'un seul chef. » Les rois ont-ils pour autant tout pouvoir sur leurs sujets ? Non, répond Bossuet, car il condamne « la volonté dépravée de disposer à leur gré, indépendamment de la loi de Dieu, qui était aussi celle du royaume, des biens, de l'honneur, de la vie d'un sujet ». En France, l'appel direct à l'arbitrage du souverain et surtout la liberté d'association, qui crée de multiples corps intermédiaires, assurent au sujet une protection contre l'arbitraire ; mais le poids d'une longue tradition féodale et la division de la société en ordres dont les intérêts sont de plus en plus divergents affaiblissent les sujets face au pouvoir central. C'est une évolution inverse qui se produit en Angleterre et qui donne au sujet un sens différent. La féodalité, implantée artificiellement par les rois normands, n'a pas marqué la société de ses profonds clivages ; en revanche, les barons anglais ont réussi à s'unir dès le xiie siècle pour préserver leurs libertés : la Grande Charte et les provisions d'Oxford sont établies au bénéfice de l'aristocratie mais ouvrent la voie à la common law. Enfin le Parlement anglais, dès le xiie siècle, est divisé non en trois ordres mais en deux chambres qui associent aux affaires les représentants des comtés et des bourgs. Gentry, bourgeoisie et yeomen forment au xvie siècle un corps social homogène uni par des liens familiaux, des intérêts commerciaux et par la participation aux affaires publiques. Contrairement à son voisin d'outre-Manche, le sujet anglais participe du souverain et obéit à une loi qu'il a contribué à forger. À la même époque et à l'autre extrémité de l'Europe, le sujet russe est asservi à un pouvoir despotique et centralisé dès le xvie siècle ; droit coutumier et aristocratie terrienne ont été écrasés et Ivan IV a fondé son pouvoir sur une bureaucratie qui tient tout de l'État ; ni corps intermédiaires, ni assemblées représentatives, ni lois fondamentales : le sujet est totalement soumis.

Ainsi, selon le type de société qui l'emploie, le terme de sujet peut recouvrir des réalités fort différentes, des conceptions opposées du rôle et[...]

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