SUKARNO (1901-1970)
Homme d'État indonésien. Fils d'instituteur, élevé dans un milieu où convergent les différentes forces motrices du nationalisme indonésien, Achmed Sukarno s'imprègne très tôt des idées qui marqueront son existence. Étudiant à Bandung, il se lie avec des nationalistes militants ; en regroupant plusieurs mouvements, il fonde, en 1927, le Persikatan Nasional Indonesia (Parti national indonésien [P.N.I.]). Il utilise ses dons d'orateur pour évoquer le sort des opprimés et des pauvres, et pour prôner des thèses nationalistes. Mais le succès que Sukarno remporte lui attire les poursuites des autorités hollandaises : il est arrêté (déc. 1929) et mis en cellule pendant plusieurs mois ; jugé, il est condamné à quatre ans de détention. En 1931, il est libéré. Il centre alors son action et ses discours sur le thème de la liberté (merdeka). À la suite de la publication d'un livre violemment nationaliste, il est de nouveau arrêté (août 1933), ainsi que des centaines d'autres nationalistes. Exilé à Sumatra, pendant neuf ans, il complète par une lecture abondante sa culture politique. En décembre 1941 éclate la guerre du Pacifique : l'occupation japonaise entraîne le pillage des matières premières de l'archipel, mais le nouveau colonisateur libère les nationalistes en prison. Sukarno devient « collaborateur » (il est président du Conseil central de Java), tout en conservant des liens discrets avec des résistants, et, par des discours prononcés dans les îles, prépare l'indépendance. Le 17 août 1945, deux jours après la capitulation japonaise, il annonce que son pays est désormais libre et proclame les cinq grands principes de son action, le Pantjasila : nationalisme, internationalisme, démocratie, bien-être social, croyance en un seul Dieu. Ce programme est la marque d'un difficile cheminement entre les idéaux favorables à la démocratie occidentale, proclamée par la Constitution, et la recherche d'une identité indonésienne. Chef de l'État, il part donc en quête d'un régime original, capable de diriger une société où tout le pouvoir est entre les mains d'une classe civile et militaire réactionnaire, tandis que le prolétariat demeure inorganisé et qu'il n'existe aucune force capitaliste autochtone ni aucune classe de grands propriétaires fonciers. Grâce à sa personnalité et à son système scolaire qui diffuse une même idéologie et une langue commune, il tend à unifier le pays, mais se montre incapable de faire face à la crise économique et financière. Il décide alors de changer l'orientation démocratique du pays et, par un « retour aux sources », d'appliquer à l'ensemble de l'archipel des pratiques en usage dans les villages de Java ; cette méthode de gouvernement, faite de palabres, de conciliabules, d'ajustements progressifs des thèses en présence, le chef tranchant s'il y a lieu, l'amène très vite à assumer tous les pouvoirs (1960). Sukarno se consacre alors aux problèmes extérieurs. En relation étroite avec Pékin, dont il vante les mérites, il adopte un neutralisme anti-occidental ; à l'intérieur, il pratique pourtant une politique réactionnaire qui tend à augmenter la puissance de l'armée ; celle-ci contrôle de nombreux rouages du gouvernement et prend en charge une grande partie du commerce extérieur. Il a été nommé président à vie en 1963 ; mais en 1965, après le coup d'État d'Untung, les militaires, menés par Suharto, prennent le pouvoir.
Sukarno se voit peu à peu ôter ses prérogatives ; Suharto lui succède officiellement en mars 1968. Ainsi le « père de l'Indonésie » passe-t-il les deux dernières années de sa vie complètement à l'écart des affaires publiques.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Dominique QUENTIN : maître ès lettres
Classification
Média
Autres références
-
DÉCOLONISATION
- Écrit par Charles-Robert AGERON
- 7 311 mots
- 31 médias
...Sarekat Rakjat (Association du peuple). Ce parti fut brisé, mais le mouvement nationaliste se développa sous la présidence d'un jeune ingénieur javanais, Sukarno, et de son parti. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, une fédération des huit principales associations nationalistes tenta, vainement, d'obtenir... -
INDONÉSIE - L'Indonésie contemporaine
- Écrit par Romain BERTRAND , Françoise CAYRAC-BLANCHARD et Encyclopædia Universalis
- 17 753 mots
- 15 médias
-
ISLAM (Histoire) - Le monde musulman contemporain
- Écrit par Françoise AUBIN , Olivier CARRÉ , Nathalie CLAYER , Encyclopædia Universalis , Andrée FEILLARD , Marc GABORIEAU , Altan GOKALP , Denys LOMBARD , Robert MANTRAN , Alexandre POPOVIC , Catherine POUJOL et Jean-Louis TRIAUD
- 31 426 mots
- 12 médias
...(abréviation de Majlis Syuro Muslimin Indonesia, qui se transforma plus tard en parti politique), en 1943, la lutte pour l'indépendance (1945-1949) qui consacra le succès du PNI (laïque) de Sukarno et lui aliéna certains extrémistes musulmans (d'où plusieurs mouvements de rébellion, dans l'ouest de Java,... -
JAKARTA ou DJAKARTA
- Écrit par Muriel CHARRAS et Willem Johan WAWOROENTOE
- 1 454 mots
- 3 médias
Devenu le centre de la nation, Jakarta a connu une formidable croissance et de spectaculaires changements dans son paysage. Le premier président,Sukarno, architecte de formation, trace les grandes artères qui vont restructurer la ville et aux croisements desquelles des statues monumentales sont érigées.... - Afficher les 8 références