SULFAMIDES ET SULFONES
Activités biologiques et thérapeutiques
Sulfamides antimicrobiens
Bien que la découverte du sulfanilamide par Gelmo, en vue d'application dans le domaine des colorants, remonte à 1908, il devait s'écouler encore plus de vingt-cinq ans avant que l'on commençât à entrevoir des applications possibles en thérapeutique des sulfamides. Ils devaient constituer dans les années trente la première grande percée thérapeutique médicamenteuse pour le traitement des maladies infectieuses.
Il revient à Gerhard Domagk le mérite d'avoir découvert la valeur antimicrobienne du Prontosil (1932-1935). À l'Institut Pasteur de Paris, cette découverte suscita de grands espoirs et une équipe de chercheurs comportant notamment M. et Mme Jacques Tréfuël, chimistes, Daniel Bovet, Ernest Fourneau et Federico Nitti, biologistes, étudia dans le détail une série de substances apparentées au Prontosil et au Rubiazol. Ils observèrent que ces produits sont métabolisés dans l'organisme avec apparition de di- ou tri-aminobenzène, d'une part, et de p-aminobenzène sulfonamide, d'autre part. Le mérite des chercheurs français fut donc de démontrer que l'activité antimicrobienne des colorants utilisés jusqu'à ce jour était due non pas à la fonction diazoïque de la molécule mais à la présence du résidu p-aminobenzène sulfonamide. Cette molécule, que l'on peut considérer comme la « molécule mère », ou pharmacophore, ne possède qu'une faible activité antimicrobienne, mais la découverte des sulfamides a propulsé une méthode de recherche de nouveaux médicaments qui devait se montrer féconde par la suite.
L'introduction de substituants divers dans la fonction sulfonamide a permis de moduler presque à l'infini les deux propriétés fondamentales que l'on recherche pour un médicament : efficacité par rapport aux germes pathogènes et inocuité pour les sujets traités.
Les sulfamides sont actifs sur de nombreux germes pathogènes :
– cocci Gram positifs : staphylocoques, pneumocoques, streptocoques, etc. ;
– deux cocci Gram négatifs : méningocoque, gonocoque ;
– bacilles : colibacille, bacille de la dysenterie, etc.
Parmi les résultats les plus spectaculaires de la sulfamidothérapie, on peut citer le traitement de la pneumonie, dont la mortalité tomba rapidement de 20 à 5 ou 6 p. 100.
L'action inhibitrice, ou pouvoir bactériostatique, des sulfamides vis-à-vis de la croissance microbienne est un phénomène d'analogie de structure. En effet, les sufamides, qui sont des analogues de l'acide p-aminobenzoïque, partie constitutive de l' acide folique, bloquent la biosynthèse de l'acide tétrahydrofolique (THF) au niveau de la réaction de l'acide p-aminobenzoïque avec l'ester phosphorique de la 2-amino 4-hydroxy 6-hydroxyméthyl dihydroptéridine. Dans cette réaction, la substitution des sulfamides à l'acide p-aminobenzoïque aboutit à la formation de « faux acides foliques » incapables de fonctionner comme l'acide folique dans les nombreuses réactions biologiques où ce dernier intervient : synthèse des purines, de la thymine, de la sérine, de la méthiomine, etc. (cf. soufre). Les cellules des Mammifères ne sont pas sensibles aux sulfamides, car, contrairement aux micro-organismes, elles ne synthétisent pas leur THF à partir de l'acide p-aminobenzoïque, mais à partir de l'acide folique préformé.
Ce mécanisme d'action explique également le grand succès thérapeutique obtenu en associant les sulfamides au triméthoprim qui est un analogue de la ptéridine. Cette association entraîne le blocage de deux étapes du cycle de l'acide folique, ce qui multiplie les chances d'impact.
L'association triméthoprim-sulfaméthoxazole représente un médicament actif par voie buccale dont la valeur est comparable à celle des antibiotiques[...]
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Écrit par
- Michel PRIVAT DE GARILHE : ingénieur-docteur, docteur ès sciences, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, ingénieur E.S.C.I.L.
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