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SUMER

Civilisation et art

Statuettes d'Eshnunna (env. 2775-2650 av.  J.-C.) - crédits : Courtesy of the Oriental Institute, the University of Chicago

Statuettes d'Eshnunna (env. 2775-2650 av.  J.-C.)

Même si le foyer sumérien était cantonné en un secteur assez restreint, son influence avait débordé bien au-delà des frontières d'une région. Des sculptures découvertes à Assur auraient pu sortir tout aussi bien d'Ur ; un gros vase en stéatite recueilli à Mari, orné de l'aigle léontocéphale, ferait songer irrésistiblement aux produits d'Obeid, tellement l'inspiration est identique, mais tout autant la technique d'exécution. L'art sumérien est un des plus grands du monde. Il est le témoignage le plus impressionnant laissé à l'humanité par le génie créateur d'un peuple fixé au berceau de la civilisation. Sans difficulté il peut rivaliser avec les productions de l'ancien Empire égyptien : même densité, même simplification de lignes. L'essentiel est l'élimination du superflu. Voilà ce qui prime pour ces artistes demeurés anonymes et qui n'auront pas hésité à demeurer des mois sinon peut-être des années devant un bloc de pierre pour y fixer le masque féminin de Warka ou en extraire la silhouette d'un des dynastes de Mari. Dans ce pays où la pierre était rare sinon inexistante, il fallait faire venir les matériaux de contrées lointaines. On utilisa abondamment le gypse, plus courant mais moins noble. Les sculpteurs ont triomphé de tous les obstacles. C'est finalement par centaines que l'on recense les statuettes déposées en ex-voto dans les chapelles des sanctuaires. À travers tout le IIIe millénaire, elles furent exécutées à la demande de donateurs plus ou moins fortunés, partant plus ou moins exigeants. Elles représentent les fidèles dans l'attitude de l'adoration, la plupart du temps debout, mains jointes, très rarement les divinités, tout au moins en ronde bosse. Des inscriptions permettent souvent les identifications : Lamgi-Mari, Iku-Shamagan (rois de Mari), Ebih-il, Idi-nârum, Nani, Salim, Gumbad, Meshigurru, Su-wada (hauts fonctionnaires de Mari), Ur-Nanshe (chantre du temple d'Ishtar à Mari), Lugal-kisalsi d'Uruk, Kurlil d'Obeid. Toutes ces statues sont de l'époque sumérienne présargonique : des rois, des fonctionnaires. Les dieux n'apparaissent que très rarement en ronde bosse. Seule exception à Tell Asmar (Ashnunnak), où peut-être l'on reconnaîtra parmi le groupe des adorants sortis d'une favissa le dieu Abu et la déesse parèdre. Toutes ces productions reflètent une indéniable parenté, mais il y a pourtant des marques locales, reflet de la race. À Mari, la statuaire est toujours, sinon presque toujours, caractérisée par le sourire qui chasse des visages toute sévérité. Constatation identique avec les gens de la Diyala (Asmar, Khafadje, Agrab, Ishchali), où la bonhomie éclate partout, proscrivant la dureté qui est l'apanage du caractère sumérien.

La période néo-sumérienne qui suit accentue l'adoucissement qu'avait entraîné l'intermède agadéen. Pourtant le vieux fonds sumérien se trouve à nouveau affirmé. On n'en doutera pas en contemplant l'un ou l'autre des Gudéa de Lagash : maître d'une cité, exerçant les prérogatives du pouvoir avec un sérieux qui exclut toute fantaisie. Les sculpteurs, qui disposent maintenant de roches dures (diorite, dolérite), moins dures (stéatite, calcite), mais pourtant moins aisées à travailler que le gypse ou la brèche des temps présargoniques, doivent faire preuve d'une virtuosité sans égale et dompter, avec les instruments de l'époque, une matière qui n'admet pas la facilité. Les sculpteurs d'aujourd'hui se demandent d'ailleurs quels furent les procédés mis en œuvre pour obtenir des résultats aussi parfaits. Aucun défaut à la statue A de Gudéa, pas davantage à celle d'Ur-Ningirsu son fils. « Densité, simplicité, majesté », voilà les qualités qu'un critique contemporain, Frank Elgar, leur reconnaissait un jour, et qui font que ces silhouettes hiératiques,[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, directeur du musée du Louvre

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Médias

-4000 à -2000. Naissance de l'écriture - crédits : Encyclopædia Universalis France

-4000 à -2000. Naissance de l'écriture

Statuettes d'Eshnunna (env. 2775-2650 av.  J.-C.) - crédits : Courtesy of the Oriental Institute, the University of Chicago

Statuettes d'Eshnunna (env. 2775-2650 av.  J.-C.)

Lyre sumérienne, tombeau de Puabi, Ur - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Lyre sumérienne, tombeau de Puabi, Ur

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