SUN YAT-SEN (1866-1925)
Sun Yat-sen (forme coutumière cantonaise de Sun Yixian) a marqué de sa personnalité l'histoire de la Chine à l'époque où s'engageait la longue lutte qui devait faire de ce pays une nation moderne délivrée de l'humiliation coloniale. Attiré à l'origine par l'idéologie et par les méthodes des rébellions paysannes traditionnelles, Sun s'ouvre aux conceptions politiques et sociales de l'Occident ; il devient le chef d'un parti révolutionnaire, nationaliste et républicain qui prépare activement la chute de l'empire. Après le succès de la révolution de 1911, il est l'éphémère président d'une République qui ne tarde pas à se transformer en dictature avant de sombrer dans l'anarchie. Porté par une foi inébranlable dans le destin national, Sun s'efforce alors d'organiser à Canton une base révolutionnaire destinée à rallier les forces du progrès et à préparer la réunification et l'émancipation du pays. L'hostilité des puissances occidentales le pousse peu de temps avant sa mort à accepter l'alliance de l'Union soviétique et à s'inspirer de son exemple pour réorganiser le Guomindang (parti nationaliste) et pour renouveler la formulation de sa doctrine, les Trois Principes du peuple. Sous la générosité du tempérament se dessinent certaines faiblesses : les idées du penseur politique sont parfois confuses ou contradictoires, les entreprises du chef militaire se terminent souvent mal et les partis successifs organisés par le dirigeant politique manquent de cohésion. Mais ces défaillances ne sauraient ternir l'image d'un homme d'idéal entièrement dévoué à la cause de son pays et de son peuple. C'est à ce titre qu'aujourd'hui son héritage est également revendiqué par les nationalistes chinois qui révèrent en lui « le père de la République » et par les communistes qui le célèbrent comme le « pionnier de la révolution ».
À l'école de l'Occident
Originaire de la province méridionale du Guangdong, Sun quitte la ferme paternelle à l'âge de treize ans pour aller à Hawaii seconder son frère aîné devenu dans l'émigration un négociant assez prospère. C'est dans une école missionnaire de Honolulu que le jeune Sun apprend l'anglais, s'initie à la science occidentale et se convertit au christianisme. Il achève ses études dans un collège médical de Hong Kong de 1887 à 1892 ; son intérêt pour la politique se précise à cette époque. Il doit à sa tradition familiale et à ses origines paysannes une grande familiarité avec les sociétés secrètes demeurées fidèles à la dynastie déchue des Ming : il partage leur hostilité à l'égard des Mandchous, cette race étrangère qui a usurpé l'empire, et il adoptera souvent leurs méthodes d'action directe. Mais ses séjours à Honolulu et à Hong Kong l'ont mis en contact avec les communautés chinoises d'outre-mer, éprises de progrès, déjà à demi occidentalisées et désireuses de voir la Chine prendre rang parmi les nations modernes. Aussi, tout en s'appuyant sur les structures et les organisations que lui offrent les sociétés secrètes, Sun s'efforce-t-il de renouveler le contenu de l'opposition traditionnelle et de l'adapter aux aspirations démocratiques et nationalistes de la bourgeoisie naissante. Jusqu'en 1900, sa carrière est celle d'un aventurier : organisateur d'une société secrète pour la régénération de la Chine (Xingzhonghui), jamais découragé par l'échec des soulèvements qu'il organise (à Canton en 1895, à Waizhou en 1900), il vit en exil au Japon et voyage aux États-Unis et en Europe. La tentative d'enlèvement par la police impériale, dont il est la victime et le héros à la légation chinoise de Londres en 1897, consacre sa réputation et confirme sa vocation révolutionnaire. Il lui reste cependant à s'imposer aux milieux intellectuels et à étendre son influence des[...]
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Écrit par
- Marie-Claire BERGERE : maître assistant à l'Institut national des langues et civilisations orientales
Classification
Médias
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