SUN YAT-SEN (1866-1925)
Le père de la révolution
Beaucoup d'intellectuels révolutionnaires hésitent en effet à reconnaître l'autorité d'un homme que sa carrière aventureuse et son incomplète formation classique font considérer comme « un hors-la-loi sans culture ». L'amitié de Huang Xing, militant révolutionnaire originaire du Hunan, aide Sun à surmonter la défaveur du préjugé mandarinal, cependant qu'un activiste japonais, Miyasaki Torazō, facilite ses contacts avec le groupe fort nombreux des étudiants chinois de Tōkyō. En 1905, Sun fonde dans cette ville le Tongmenghui (Parti de la ligue jurée) dont le succès consacre les progrès réalisés dans l'unification du mouvement révolutionnaire et dans la définition de son idéologie. C'est à cette époque en effet que Sun formule pour la première fois la doctrine des Trois Principes du peuple (san min zhuyi), dans laquelle se retrouve l'influence de la philosophie libérale de l'Occident. Le premier de ces principes, le nationalisme, vise avant tout les Mandchous, ces usurpateurs étrangers dont la faiblesse encourage la pénétration impérialiste en Chine. La démocratie, deuxième principe, demande l'établissement d'une constitution républicaine garantissant les droits égaux des citoyens et la séparation des pouvoirs. Le troisième principe, celui du bien-être du peuple, témoigne des aspirations socialistes de Sun qui ne songe pas cependant à aborder le problème essentiel qui se pose alors au pays : celui du régime agraire et de la misère paysanne. Mais les faiblesses de l'analyse comptent moins ici que la foi communicative de Sun et sa conviction que les Chinois sauront brûler les étapes pour établir une république moderne. L'impatience des jeunes étudiants s'accommode mieux de ces visions exaltantes que des lenteurs du processus historique soulignées par celui qui est à l'époque le principal rival de Sun : Liang Qichao. Cette opposition entre réformistes et révolutionnaires, c'est déjà le conflit entre réalistes et volontaristes sans cesse renaissant dans l'histoire chinoise du xxe siècle. Sun va donc tenter de forcer le cours des événements en adoptant une stratégie de soulèvement armé qui vise à l'établissement de bases révolutionnaires dans les provinces chinoises. Mais le manque d'organisation et de coordination ainsi que la violente répression exercée par le pouvoir impérial vouent à l'insuccès les nombreux soulèvements que Sun prépare pendant cette période.
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Écrit par
- Marie-Claire BERGERE : maître assistant à l'Institut national des langues et civilisations orientales
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