SUN YAT-SEN (1866-1925)
La base révolutionnaire de Canton
L'échec de cette politique pousse Sun à réorienter complètement son action en tenant compte des forces nouvelles qui émergent alors sur la scène chinoise comme sur la scène internationale. Le succès de la révolution d'Octobre, les manifestations populaires dont s'accompagne l'explosion nationaliste de mai 1919, la première grande vague des grèves ouvrières en Chine (1920-1922) attirent son attention sur le rôle des mouvements de masse et sur la stratégie léniniste de la prise du pouvoir. La collaboration avec l'Union soviétique et le jeune Parti communiste chinois (créé en 1921) est sanctionnée par l'accord Sun-Joffé signé en janvier 1923. Peu après, des conseillers soviétiques, tels Borodine ou Blücher, arrivent à Canton pour aider Sun à réorganiser son parti et à développer son action. Le Ier Congrès national du Guomindang (janv. 1924) donne au parti une nouvelle constitution qui en fait une organisation étroitement disciplinée et hiérarchisée, dans laquelle les communistes sont admis à titre individuel. Le Congrès décide l'établissement de l'Académie militaire de Huangpu, dont la direction est confiée à Tchiang Kaï-chek et qui reçoit pour mission de recruter et de former une armée placée sous l'autorité directe du parti. Le Congrès est enfin pour Sun l'occasion de redéfinir les Trois Principes du peuple en mettant l'action sur la lutte anti-impérialiste et sur le rôle des masses, ouvrières et paysannes. La mort prématurée de Sun Yat-sen en mars 1925 à Pékin l'empêche de prendre la tête de cette expédition révolutionnaire vers le nord (1926-1927), qu'il avait tant espérée et dont, par sa politique de front uni, il avait su préparer le succès ; elle l'empêche aussi de préciser une ligne dont il était seul à pouvoir assumer l'ambiguïté ; celle-ci se résoudra par la tragique rupture de 1927 entre communistes et nationalistes.
Sun Yat-sen a été le premier homme d'État moderne d'une Chine qui émergeait à peine de l'ère « féodale ». Il subit avec impatience les contraintes d'une réalité à laquelle il superpose sans cesse l'image d'un avenir exaltant. D'où ses contradictions : son opportunisme et son utopisme. Mais c'est aussi sa grandeur : à l'époque où le peuple chinois n'est plus, selon sa propre expression, « que sable dispersé », il a conservé une foi inaltérable dans le destin national.
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Écrit par
- Marie-Claire BERGERE : maître assistant à l'Institut national des langues et civilisations orientales
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