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SUNNISME

Constituant une des trois grandes divisions de l'islam, les sunnites sont désignés en arabe comme les hommes de la sunna et de la communauté (ahl al-sunna wa'l-djamā‘a). On les nomme aussi simplement ahl al-Kitāb : hommes du Livre (le Coran), ou ahl al-djamā‘a, ou ahl al-idjtimā‘ (= idjmā‘) : hommes du consensus (cf. Henri Laoust, Les Schismes dans l'Islam). Par opposition aux shī‘ites et aux khāridjites, on les appelle parfois musulmans orthodoxes. Mais la notion d'orthodoxie convient mal ici, car l'islam ne connaît aucun magistère capable de définir une telle norme. Le critère de l'idjmā‘, auquel les penseurs sunnites ont parfois recours pour définir leur système, n'est qu'une règle idéale que chacun invoque et applique à sa manière. Il y a, en fait, divergence sur l'idée qu'on se forme et sur la réalité qu'on lui confère : s'agit-il du consensus de la communauté tout entière, des docteurs des grandes métropoles (amṣār), ou simplement des Compagnons du Prophète ? En outre, ce consensus, quel qu'il soit, ne dispose d'aucun organe défini pour s'exprimer et s'imposer : l'islam n'a ni pape, ni synodes, ni conciles. Tout ce qu'on peut dire, c'est que le sunnisme, pris dans son ensemble, correspond à un islam majoritaire, bien qu'il admette dans la réalité une grande variété d'opinions qui s'opposent sur des questions, parfois importantes, de théologie ou de droit, sans qu'il en résulte des divisions irréductibles dans la communauté. Ces divergences donnent lieu, entre savants, à des querelles d'écoles qui se condamnent les unes les autres sans s'excommunier, car dénoncer un homme comme infidèle (takfīr) est un acte si grave qu'il rend licite sa mise à mort. À la différence des khāridjites, les sunnites ont été en général très prudents dans l'emploi de cette arme et ils s'en font gloire.

Géographiquement, les sunnites sont répandus en Afrique du Nord, en Libye et en Égypte, en Arabie Saoudite, en Syrie et en ‘Irāq, au Pakistan, en Indonésie, en Afrique noire ; on les trouve tantôt seuls, tantôt mêlés à des minorités khāridjites (Afrique du Nord) ou shī‘ites (Liban, Syrie, ‘Irāq, Inde) ; tantôt attachés à un islam qui se veut arabe (Coran arabe, Prophète arabe), tantôt à un islam plus ou moins altéré par l'intégration de croyances et de coutumes anciennes chez les peuples islamisés.

Origine politique

Conformité à l'islam primitif

Louis Massignon, voulant caractériser le sunnisme, écrit : « Les sunnites [...] affirment la légitimité et l'orthodoxie des quatre premiers califes de l'Islam, Abou Bakr, Omar, Othman et Ali ; ils font coïncider leur ordre de succession avec leur rang de précellence morale : c'est le mythe de « l'âge d'or » du Califat des quatre « Rachidoun » (ou « bien dirigés »). » On voit que Massignon ne donne là aucune définition dogmatique d'une foi sunnite. Les quatre premiers califes (que les shī‘ites accusent d'imposture ou tout au moins d'égarement) sont « orthodoxes », c'est-à-dire qu'ils sont, à la tête de la communauté, les continuateurs du Prophète : ils n'ont pas innové ; ils ont fidèlement gardé les paroles de Dieu et de son Envoyé ; ils ont suivi et fait observer les commandements. L'islam sunnite se présente comme leur successeur. Il se veut conforme à l'islam primitif, pur de tout élément étranger et de toute nouveauté humaine (bid‘a). En ce sens, il s'appuie sur une vision idéalisée de l'histoire du passé, sur la fiction d'un accord parfait aux origines. Au sujet de celles-ci Massignon écrit : « Et si l'Islam est arrivé à formuler, non sans peine, en matière juridique le consensus unanime des Compagnons [du Prophète], les [...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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  • AFGHANISTAN

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