SUPERFLUIDITÉ
La « superfluidité » est une propriété qu'ont certains liquides ou gaz de s'écouler beaucoup plus facilement que les autres. Un superfluide peut s'écouler sans résistance aucune même à travers les plus petits orifices. De plus, les superfluides ont d'autres propriétés remarquables. Par exemple, la chaleur s'y propage sous forme d'ondes et les tourbillons y sont tous identiques. La superfluidité n'a pu être expliquée au xxe siècle que grâce à l'avènement de la mécanique quantique, qui s'applique non seulement aux particules qu'elle représente comme des ondes, mais aussi à la matière macroscopique qui est visible à l'œil nu.
Principales étapes de la superfluidité
L'existence de la superfluidité a été simultanément découverte en décembre 1937 par deux équipes de chercheurs qui étudiaient l'hélium liquide à très basse température, en dessous de 2,2 kelvins (2,2 K = –271 0C ; 0 K = –273,15 0C) : celle de John F. Allen à Cambridge (Royaume-Uni) et celle de Piotr L. Kapitsa à Moscou (URSS) [Balibar, 2007]. Le mot anglais superfluid a été inventé par Kapitsa pour qualifier ce liquide qui lui paraissait beaucoup plus fluide que les liquides classiques. Le début de sa compréhension théorique a été l'œuvre de Fritz London et Laszlo Tisza réfugiés à Paris en 1938 puis de Lev D. Landau, à Moscou en 1941-1947. Ce faisant, ces trois chercheurs ont démontré pour la première fois que la physique quantique – qui décrit les particules comme des ondes – permettait de rendre non seulement compte des propriétés microscopiques des particules, mais aussi de certaines propriétés de la matière visible, donc à l'échelle macroscopique. La découverte et l'interprétation de la superfluidité correspondent donc à une étape majeure en physique quantique. Par la suite, on a découvert des superfluides autres que l'hélium liquide et on a compris que la supraconductivité de certains métaux est une superfluidité d'électrons. Aujourd'hui, les superfluides et les supraconducteurs ont quelques applications très importantes, en particulier pour la construction d'électro-aimants de très forte puissance dont certains ont révolutionné l'imagerie médicale.
La superfluidité ne concerne pas toutes les particules, mais seulement deux catégories. En physique quantique, on distingue ainsi les bosons – qui sont des particules obéissant aux lois statistiques de Bose-Einstein – et les fermions – qui obéissent, eux, aux lois dites de Fermi-Dirac. La différence entre bosons et fermions est une question de symétrie dont la conséquence principale est que deux fermions identiques ne peuvent pas occuper ensemble un même état alors que les bosons le peuvent. Les électrons sont des fermions, mais lorsque deux électrons s'apparient, la paire qui en résulte est un boson. L'influence de cette parité est universelle. Ainsi, parmi les deux isotopes de l'atome d'hélium, l'un est un boson – l'hélium 4 dont le noyau a deux protons et deux neutrons – mais l'autre – l'hélium 3 – est un fermion parce que son noyau a deux protons, mais un seul neutron. Or Fritz London a proposé en 1938 que la superfluidité était une conséquence d'un phénomène quantique concernant les bosons : la « condensation de Bose-Einstein ». Ce dernier phénomène avait été proposé en 1924-1925 par Albert Einstein à partir de travaux de Satyendranath Bose (Bose, 1924 ; Einstein, 1924, 1925). Dans un gaz d'atomes, cette condensation consiste en un regroupement général de ces atomes sur le même état quantique où ils forment une sorte d'onde macroscopique faite de nombreux atomes indiscernables les uns des autres. Cette condensation quantique apparaît en dessous d'une température critique qui dépend de la masse des atomes[...]
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Écrit par
- Sébastien BALIBAR : directeur de recherche émérite CNRS, Laboratoire de physique de l'École normale supérieure, Paris, membre de l'Académie des sciences
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